Neutralité carbone : le Kazakhstan pourra-t-il se payer la transition ?
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Des ambitions vertes affichées, des milliards introuvables, et un calendrier qui s’accélère. Derrière les engagements du Kazakhstan vers la neutralité carbone, c’est toute une économie fossile qui s’interroge sur sa survie.

Le 28 mars 2025, lors d’un communiqué lié à la conférence Power Tech 2025, les autorités kazakhes ont dévoilé des chiffres vertigineux : pour parvenir à la neutralité carbone, le pays devra injecter 610 milliards de dollars d’ici 2060. Cette annonce relance les interrogations sur la faisabilité réelle d’un tel objectif dans un État dont l’économie repose encore lourdement sur les hydrocarbures. Comment conjuguer ambition climatique et dépendance énergétique sans sombrer dans l’incantation creuse ?

Un coût colossal pour une promesse planétaire

Atteindre la neutralité carbone ne relève plus du luxe écologique mais d’une exigence mondiale. Pour le Kazakhstan, la transition s’annonce infernale : 610 milliards de dollars, soit environ 563 milliards d’euros, sont nécessaires d’ici 2060. Et ce n’est pas une estimation farfelue d’une ONG utopiste. Ces chiffres viennent tout droit de Natalia Bachinskaïa, directrice de Chapter Zero Kazakhstan, lors d’un point presse organisé avant la conférence Power Tech 2025. Selon elle, « le Kazakhstan requiert 610 milliards de dollars pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2060, dont 10 milliards à sécuriser avant 2030. Cela est impossible sans investissements internationaux ».

Mais au-delà des chiffres, ce sont les émissions persistantes du pays qui posent problème. En 2024, les financements verts cumulés atteignaient à peine 277,8 milliards de tenge (environ 570 millions d’euros), selon le Centre Financier International d’Astana. Une goutte dans l’océan si l’on compare avec l’objectif décennal. On mise alors sur les obligations vertes, les crédits verts, et les financements croisés. Mais cela suffira-t-il ?

Une stratégie morcelée et des dépendances assumées

Le plan kazakhstanais repose en grande partie sur la multiplication de projets dits « banquables » : énergies renouvelables, captage et stockage du carbone, et projets forestiers climatiques. Mais Natalia Bachinskaïa prévient : « D’autres initiatives, telles que les projets de captage et de stockage du carbone ou les projets climatiques forestiers, ne peuvent être réalisés sans émission de crédits carbone supplémentaires, ni sans recours à des technologies et financements étrangers ».

Une manière élégante de dire que le pays est structurellement dépendant des technologies occidentales ou asiatiques. L’annonce de cette dépendance à l’aide internationale n’a rien d’anecdotique : elle conditionne toute la trajectoire future. L’État kazakh mise sur une réglementation stable, une transparence accrue et des partenariats techniques ciblés pour séduire les investisseurs. Encore faut-il que les bailleurs y croient.

Du verdissement de vitrine à la transition réelle ?

Le décret présidentiel de 2024 a réactualisé la stratégie de « transition vers une économie verte ». L’objectif ? Mobiliser les institutions financières autour d’instruments tels que les green bonds, tout en instaurant un cadre incitatif pour les entreprises privées. Mais pour l’heure, les émissions stagnent. La feuille de route semble encore floue, entre effets d’annonce et projets pilotes dispersés.

Au cœur de la problématique : la fossilisation de l’appareil productif national. Le pays reste un géant du charbon et du pétrole, avec peu d’alternatives énergétiques à court terme. La transition ne se fera pas par miracle ni par bonne volonté — elle exige des ruptures, des sacrifices, et des choix politiques courageux. Pour l’instant, on en reste aux forums internationaux, aux conférences pleines d’experts et à des PowerPoints qui font rêver… sur écran.

Tant que les investissements concrets ne décollent pas, la neutralité carbone du Kazakhstan demeure un horizon… lointain, incertain, et coûteux. À moins d’une mobilisation massive des capitaux étrangers et d’un changement radical de paradigme énergétique, les objectifs de 2060 risquent bien de rester un vœu pieux — un slogan vert imprimé sur du charbon noir.

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