Énergies renouvelables : l’Ouzbékistan fixe la barre à 50%
TotalEnergies Kazakhstan Mirny

Le 27 mars 2025, lors d’une réunion présidée par Shavkat Mirziyoyev, l’Ouzbékistan a annoncé son ambition de faire passer la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique à plus de 50% d’ici à 2030. Ce virage vers les renouvelables s’inscrit dans une dynamique de réformes profondes du secteur énergétique, sur fond de croissance démographique, de pressions environnementales et d’influence géopolitique croissante dans la région.

Un paysage énergétique dominé par le thermique, mais en pleine mutation

Aujourd’hui, l’énergie ouzbèke reste dominée par les combustibles fossiles, en particulier le gaz naturel, qui représente à lui seul plus de 85% de la production électrique nationale. Pourtant, derrière cette façade carbonée, des fissures apparaissent. En cinq ans, la production d’électricité a bondi de 30%, atteignant 81,5 milliards de kilowattheures, principalement grâce à des projets d’infrastructure de grande envergure. Si cette hausse démontre une capacité de mobilisation certaine, elle dévoile surtout l’ampleur du besoin : la consommation nationale est projetée à 121 milliards de kilowattheures d’ici à 2035, selon les données officielles publiées sur le site de la présidence de la République d’Ouzbékistan,
Au cœur de cette transformation, une statistique clef : la part des sources renouvelables atteint actuellement 16%, un seuil modeste mais en progression rapide. En 2023, le pays a mis en service 3,2 gigawatts de nouvelles capacités vertes, signe que la dynamique est déjà engagée.

Des renouvelables en vitrine, mais une dépendance persistante au gaz

Le slogan officiel a de quoi séduire : « 50% d’énergies vertes en 2030 ». Mais le diable, comme toujours, se cache dans les détails. Car dans un pays où la production repose massivement sur des centrales à gaz, le passage à un modèle basé sur les renouvelables nécessitera bien plus qu’un simple coup d’accélérateur. Quels financements ? Quels partenariats technologiques ? Quelle intégration au réseau ? Ces questions, brûlantes, restent en grande partie ouvertes.

La diversification énergétique est néanmoins en marche. Le gouvernement parie sur un mix énergétique enrichi non seulement de solaire et d’éolien, mais aussi d’un invité plus controversé : le nucléaire civil. Loin des idéologies écologiques occidentales, l’Ouzbékistan voit dans le nucléaire un complément indispensable pour garantir une production stable et continue.

centrales solaires centrale solaire

Le pari du nucléaire : complément ou contradiction ?

C’est là que le plan énergétique devient plus ambivalent. Le gouvernement a dévoilé en mars 2025 un projet de centrale nucléaire de faible capacité, fruit d’une collaboration active avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Un plan d’action conjoint pour la période 2025–2027 a déjà été élaboré, et chaque phase – de la conception à l’exploitation – sera surveillée par l’AIEA pour garantir la conformité aux standards internationaux,

« L’énergie atomique est ici pensée comme pilier d’un avenir énergétique », lit-on sur le site présidentiel. Ironie ou stratégie lucide ? Les autorités ne le disent pas, mais la mise en parallèle d’une expansion des renouvelables et d’un investissement dans le nucléaire en dit long sur les défis de la transition énergétique en Asie centrale.

Une course contre la montre, et contre les paradoxes

Sur le papier, le calendrier impressionne. En pratique, il faudra affronter des obstacles titanesques : infrastructures vieillissantes, dépendance aux financements étrangers, faiblesse du réseau de transport de l’énergie, et incertitudes géopolitiques. Ajoutons à cela une gestion souvent centralisée, peu propice aux initiatives locales ou privées, et le tableau se complexifie.

Mais l’enjeu est d’autant plus crucial que l’Ouzbékistan s’érige en pôle d’influence énergétique en Asie centrale. Une réussite sur ce terrain offrirait au pays un levier diplomatique inédit et un modèle pour d’autres nations confrontées au dilemme du carbone.

Une ambition crédible, mais surveillée de près

Il serait tentant de taxer ce projet de chimère orientale. Ce serait une erreur. Car derrière les grandes annonces se dessine une stratégie cohérente, pensée pour articuler croissance, sécurité énergétique et intégration régionale. Les efforts pour attirer les capitaux et les compétences – y compris à travers la création d’un bureau régional de la Banque européenne d’investissement à Tachkent – témoignent de cette volonté d’ancrer la transition dans le concret.

La route vers les 50% de renouvelables sera longue, semée de contradictions et de défis. Mais elle est désormais tracée.

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