Il traîne une image de dilettante du circuit, moqué pour ses services à 220 sur deuxième balle, ses amorties à contretemps, ses absences aussi. Pourtant, en dix jours sur ce Roland-Garros 2025, Alexander Bublik a fait taire beaucoup de monde. Sauf peut-être lui-même.
À Paris, il a tout donné. Presque tout. Mais face à l’ogre du moment Jannick Sinner, même le plus libre des joueurs a fini enfermé.
Bublik, enfin un quart de finale en Grand Chelem pour lui !
Ce Roland-Garros 2025 aurait pu être un cauchemar de plus sur terre battue pour Bublik, 27 ans et 62e joueur mondial. Il en a souvent ri, parfois grincé. Il en avait même fait un principe : « Je déteste jouer à 11 heures… Je suis encore endormi ! » Et la terre battue n’a jamais été son terrain de jeu préféré. Mais cette année, le Kazakh a bousculé ses habitudes, et l’ordre établi.
Au deuxième tour, il remonte deux sets à Alex De Minaur, membre du top 10 ATP, dans un match où il fait parler son panache, son culot et sa folie douce. Puis, en huitième, il se paie le luxe de sortir le numéro 5 mondial, Jack Draper, avec des amorties léchées, des aces improbables et une ovation à la sortie du court Lenglen. Ce jour-là, Bublik a pleuré. Pas pour le classement. Pour le gosse de Gatchina qui rêvait devant les posters de Federer et Nadal.
Mais en quart, le rêve s’est fracassé. Jannik Sinner n’est pas un adversaire. Il est un rouleau compresseur. Le Kazakh n’a pas pesé : 6-1, 7-5, 6-0. Dur. Cruel. Prévisible, aussi. Avant la demi-finale contre Novak Djokovic, l’Italien n’a toujours pas lâché un set. Et face à un Bublik certes inspiré mais toujours fragile dans la durée, il n’a laissé aucune chance.
Sauf que ce match ne dit pas tout. Car pour une fois, Bublik a tenté de rivaliser autrement qu’en clown triste. Il a tenté de construire, de tenir, de croire. Mais à sa manière. « Je dois trouver une façon de battre des joueurs deux fois plus impliqués que moi dans leurs routines », dit-il. Et face à Sinner, ça ne passe pas.
Un tennis à sa sauce
Ce qui rend Bublik unique, c’est son refus d’entrer dans le moule. Il joue pour vivre, pas pour survivre. Il le dit sans filtre : « Je suis juste un type normal qui joue au tennis et a réussi à en vivre. » Et son manager Corrado Tschabuschnig ne s’en cache pas : « Il aime s’amuser en dehors du court et ne respire pas tennis du matin au soir. »
En mars, alors que ses résultats s’effondraient (16 défaites sur ses 20 derniers matchs), il part à Las Vegas. Une décision absurde ? Non. Un besoin vital. Trois jours loin du bruit, loin des attentes. Et ça a marché. Bublik est redevenu lui-même : imprévisible, fantasque, mais diablement dangereux. Depuis, il enchaîne. Et il gagne.
Avec ce quart à Paris, Bublik a prouvé qu’il avait le niveau. Pas tous les jours. Pas contre tout le monde. Mais sur un éclair, sur un match, il peut battre n’importe qui. « Ne vous méprenez pas : je travaille dur, mais à mes conditions. En fait, je fais à la fois le minimum et le maximum pour être le joueur que je suis. » Le plus grand paradoxe du tennis moderne est peut-être là.
Il n’a pas le physique d’un marathonien. Il ne vit pas dans une bulle d’ultra-professionnalisme. Il n’est pas « le mec le plus professionnel de la planète ». Et c’est peut-être pour ça qu’il fascine. Il est la preuve que le tennis n’est pas qu’un robot show. Qu’un homme libre, imparfait, peut encore bousculer la hiérarchie.
Honnêtement, s’il le décide un jour, Alexander Bublik pourrait devenir numéro 1 mondial. Le problème, c’est qu’il est le seul à pouvoir en décider.