Au Kazakhstan, le parc éolien de TotalEnergies repousse l’horizon à 2028
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Ils en avaient promis les premières pales pour 2026. Il faudra attendre bien plus. Entre ambitions climatiques, impératifs géopolitiques et choix logistiques controversés, l’un des projets énergétiques les plus ambitieux du Kazakhstan avance à contrevent.

Parc éolien de Jambyl : au Kazakhstan, l’ambition verte de TotalEnergies prend du retard

Le Kazakhstan, vaste steppe battue par les vents, s’apprête à accueillir un parc éolien titanesque de 1 GW, porté par TotalEnergies. Prévu dans la région de Jambyl, ce projet pharaonique, officiellement lancé en partenariat avec KazMunayGas et Samruk-Kazyna, ne verra pourtant pas le jour avant octobre 2028. Un revers temporel significatif pour un chantier initialement annoncé pour 2026, puis repoussé à 2027.

La promesse était séduisante : un parc éolien capable de générer 3,6 milliards de kilowattheures par an, réduisant les émissions de 2 millions de tonnes de CO₂. Mais selon l’article publié le 6 mai 2025 par Kursiv Media, le chantier ne débutera qu’en décembre 2025, et son achèvement est désormais attendu pour le 3 octobre 2028. En cause : les procédures réglementaires, les autorisations techniques, et une logistique lourde dans un environnement semi-désertique.

Le projet, baptisé « Mirny », est situé dans le district de Moyinkum, au cœur de la région de Jambyl, non loin de la frontière kirghize. Il s’appuie sur 150 éoliennes — dont 124 modèles Envision EN-182/6.5 et 26 turbines Sany SI-19 577 — pour atteindre une puissance installée d’un gigawatt. Cette installation s’accompagne d’une unité de stockage lithium-ion de 300 MW/600 MWh, intégrée pour stabiliser le réseau en cas de faibles vents.

Mais la construction aura un coût écologique inattendu : l’entreprise prévoit de consommer plus de 53.500 tonnes de diesel et 530 tonnes de carburant essence uniquement pour les travaux. Une contradiction assumée ? Pas vraiment. TotalEnergies ne s’est pas exprimée publiquement sur ce paradoxe, malgré les interpellations de plusieurs parlementaires kazakhstanais.

Parc éolien : des enjeux de souveraineté et d’écologie sous tension

Ce n’est pas seulement l’empreinte carbone du chantier qui alimente la polémique – une partie du terrain alloué au parc éolien empiète sur la réserve naturelle d’Andasay. De quoi faire bondir certains élus : « Pourquoi faut-il plusieurs terrains pour une seule station ? », ont interrogé plusieurs députés lors des sessions parlementaires précédentes.
Selon le ministère de l’Énergie, l’usage de cette réserve se limiterait aux zones nécessaires aux fondations et aux câblages, mais le flou subsiste. L’ancien ministre de l’Énergie Almasadam Satkaliyev, aujourd’hui président de l’agence de l’énergie atomique, s’était défendu en expliquant que le territoire sélectionné serait exploité de manière minimale et strictement fonctionnelle.

Quoi qu’il en soit, l’enjeu est colossal. Le contrat de vente de l’électricité a été signé pour 25 ans, avec un tarif fixé à 3,99 centimes par kWh. Ce prix, bien que compétitif, a suscité des interrogations dans la presse locale sur la rentabilité à long terme et l’indépendance énergétique réelle qu’offrirait un projet détenu à 60% par TotalEnergies.
Parc éolien : un pari technologique dans des conditions extrêmes

Construire une station de cette ampleur dans une zone balayée par des vents violents, des écarts thermiques allant jusqu’à 70 degrés Celsius, et sans infrastructures électriques proches ? Un défi technique de taille. Le raccordement au réseau nécessitera plus de 200 kilomètres de lignes haute tension, connectées aux sous-stations « Ulken », « Shu » et « Mirny Sud ».

Pour garantir une continuité d’exploitation, le site sera équipé de plusieurs générateurs de secours, dont trois diesel de 1.200 kVA, deux de 750 kW, et des modules de 10 kW en réserve. L’énergie produite sera exclusivement vendue à un acheteur public, le Centre de règlement financier pour le soutien aux énergies renouvelables, comme le stipule l’accord signé en janvier 2024 et validé par le parlement kazakhstanais.

Quant à la construction elle-même, elle implique des volumes vertigineux : 3,6 millions de tonnes de sol à déplacer, 700.000 tonnes de sable, 270.000 tonnes de mélange sable-gravier, sans compter les matériaux de fondation extraits des carrières de la région. Une fourmilière de génie civil, orchestrée par Aktas Energy, bras opérationnel local de TotalEnergies.

Parc éolien : TotalEnergies joue gros dans la transition kazakhstanaise

Avec 1,9 milliard de dollars (soit environ 1,78 milliard d’euros) investis, ce parc éolien s’inscrit dans le virage stratégique voulu par le Kazakhstan, qui vise 15% d’électricité issue de sources renouvelables d’ici 2030. Aujourd’hui, la production verte plafonne à 3%, malgré la présence de 59 parcs éoliens répartis dans le pays.

Le projet Mirny constitue donc une vitrine diplomatique et énergétique. Pour TotalEnergies, il s’agit de consolider sa présence en Asie centrale, dans un contexte où les majors pétrolières cherchent à verdir leur image. Pour le gouvernement kazakh, c’est une occasion de diversifier un mix énergétique encore largement dépendant du charbon et du gaz.
Mais le vent ne souffle pas encore en faveur de la transparence : les informations sur la redistribution locale des bénéfices, les emplois créés ou les retombées sociales du projet restent nébuleuses.

Par Païsiy Ukhanov
Le 05/06/2025

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