Le 29 avril 2025, « Baiterek », la holding publique kazakhstanaise, a lancé une émission inaugurale de titres de dette sur les marchés internationaux. Résultat : 500 millions de dollars levés, presque deux fois plus de demandes. En plein bouleversement des équilibres monétaires mondiaux, cette initiative marque un tournant pour le Kazakhstan. Et pour cause : c’est la première fois que Baiterek, pilier du financement étatique kazakhstanais, se confronte à l’arène ultra-compétitive des euro-obligations.
Une frénésie d’acheteurs : la ruée vers les euro-obligations de Baiterek
Personne ne l’a vu venir, mais tout le monde s’est rué dessus. Alors que la barre des 500 millions de dollars semblait déjà ambitieuse, l’appétit du marché a dépassé les attentes : la demande a explosé à 1 milliard de dollars. Résultat : Baiterek a pu offrir une rémunération plus avantageuse que prévu, abaissant son taux à 5,65 %, contre un objectif initial de 6 %.
Le coupon annuel, fixé à 5,45 % pour ces obligations de trois ans, a séduit bien au-delà des frontières kazakhstanaises. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 56,1 % des acheteurs sont américains, 18,2 % européens, 11,1 % britanniques, 6,6 % issus du Moyen-Orient et d’Asie, et seulement 8 % sont nationaux. Une répartition révélatrice : Baiterek a capté l’attention des investisseurs institutionnels les plus exigeants, sans le filet de sécurité d’un ancrage local dominant.
Côté cotation, les titres ont été admis sur trois places : Londres (LSE), Vienne (Wiener Börse AG) et Almaty (KASE). Preuve que la holding kazakhstanaise ne vise pas une aventure isolée, mais bien une présence durable sur les grands marchés.
Baiterek, un pilier discret de l’État kazakhstanais
Mais qui est donc Baiterek pour faire courir la planète finance ? Fondée sous forme de holding publique, Baiterek National Managing Holding JSC est l’un des bras armés du gouvernement du Kazakhstan en matière de développement économique. Sa mission ? Favoriser l’essor d’un secteur privé compétitif, renforcer la sécurité alimentaire, et rendre le logement abordable — tout cela sur fond de responsabilité sociale. Derrière ce mantra institutionnel se cache une machinerie puissante : onze filiales, des leviers dans les secteurs clés (crédit, export, agriculture, logement) et une capacité d’intervention massive. En 2023, Baiterek a contribué à la création de plus de 15.000 emplois, généré 2.601 milliards de tenges (soit environ 5,2 milliards d’euros) de recettes fiscales et produit plus de 34.000 milliards de tenges (soit environ 68 milliards d’euros) en valeur industrielle.
Son portefeuille ? Du soutien aux PME via le fonds Damu, aux prêts agricoles via KazAgroFinance, en passant par le financement industriel avec la Banque de développement du Kazakhstan. Un spectre large, structuré, qui positionne Baiterek comme un acteur transversal, indispensable à l’ingénierie économique du pays.
Une stratégie de levée de fonds à marche forcée
L’émission d’euro-obligations n’est que la partie émergée d’un programme obligataire bien plus vaste. En 2025, Baiterek prévoit cinq émissions. Les trois premières ont été libellées en tenges. Celle du 29 avril est la seule en dollars, et une cinquième est attendue le 8 mai, pour un montant de 50 milliards de tenges (soit environ 100 millions d’euros).
À ces chiffres s’ajoutent les émissions antérieures : en 2024, neuf placements obligataires, dont les premières obligations vertes (ESG) à hauteur de 100 milliards de tenges (soit environ 200 millions d’euros). En avril 2025, la filiale KazAgroFinance a annoncé un programme de financement de 200 milliards de tenges (soit environ 400 millions d’euros), exclusivement fourni par Baiterek.
Le message est clair : la holding ne se contente plus d’agir en coulisse. Elle s’affiche, structure sa dette, teste de nouveaux marchés et ancre son crédit dans l’arène internationale. La montée en puissance est assumée — et elle est fulgurante.
Une diversification des risques en ligne de mire
Pourquoi lever des fonds en devises étrangères alors que les précédentes obligations étaient toutes en monnaie nationale ? Pour Baiterek, l’objectif est double : sécuriser des ressources à long terme et diversifier les risques de change. Une stratégie que la holding revendique haut et fort : « Les fonds permettront de consolider notre présence sur le marché des capitaux international, de diversifier les risques liés aux devises et d’élargir le financement de nouveaux projets », a fait savoir Baiterek. En somme, une posture proactive face à un monde financier plus volatil que jamais.
Le Kazakhstan joue sa carte souveraine
À travers Baiterek, c’est l’État kazakhstanais lui-même qui teste ses marges de crédit. Car rappelons-le : Baiterek n’est pas un acteur privé mais une entité publique, détenue intégralement par le comité du patrimoine public du ministère des Finances. Cette appartenance renforce la crédibilité de l’émetteur, mais elle le soumet aussi à une exigence de résultats et de transparence.
Avec ces obligations en devises, le Kazakhstan veut montrer qu’il n’est pas un figurant de la finance émergente, mais un acteur stratégique, capable de séduire Wall Street comme la City.