Le 1er mai 2025, l’armée kazakhstanaise a organisé un concours national visant à désigner ses meilleurs opérateurs de drones. Ce rendez-vous, loin d’être anecdotique, incarne l’ambition stratégique d’un pays bien décidé à ne pas rester en marge de la révolution technologique qui bouleverse les rapports de force militaires. Car derrière cet exercice de précision se profile une montée en puissance silencieuse, fondée sur des capacités désormais concrètes et une vision assumée : faire des drones l’épine dorsale de sa modernisation militaire.
Drones et armée kazakhstanaise : une synergie de plus en plus rodée
En observant l’armée kazakhstanaise, on serait tenté de croire qu’elle joue à la guerre du futur avec les moyens du présent. Pourtant, le pays n’en est plus aux balbutiements. Depuis plusieurs années, il construit patiemment une architecture de défense dans laquelle les drones occupent une place centrale. À l’image de la compétition du 1er mai 2025, qui a rassemblé 25 équipes issues de tous les commandements régionaux et établissements militaires, les forces armées ne se contentent plus de suivre la tendance : elles la préparent méthodiquement.
« Pour réussir, il vous faut une précision extrême, une connaissance technique avancée, une réaction rapide et une capacité à prendre des décisions dans des situations imprévues. Ces qualités professionnelles, vous les avez pleinement démontrées au cours des épreuves », a fait savoir le ministre de la Défense, le général-colonel Rouslan Jaksylikov.
Au menu des épreuves : navigation complexe, reconnaissance en terrains hostiles, gestion de visibilité réduite, avec pour seul repère l’aptitude à réagir sous pression. Plus qu’une démonstration, un test de crédibilité opérationnelle.
Les drones : clef de voûte de la modernisation militaire kazakhstanaise
Mais que cache cette mise en scène ? Une volonté assumée de transition stratégique. Dès 2023, le président Kassym-Jomart Tokaïev posait les jalons : drones, robotique, systèmes d’information. L’armée kazakhstanaise ne veut plus dépendre des manuels soviétiques. Elle veut réécrire ses doctrines.
Les drones Orlan-10E, Elbit Skylark I-LEX, Wing Loong I et TAI Anka, désormais dans ses arsenaux, ne sont pas des gadgets technologiques. Ils incarnent une politique d’acquisition ciblée, parfois combinée à des transferts de technologie. Le partenariat signé avec Turkish Aerospace Industries prévoit par exemple la co-production de trente drones de combat Anka sur le sol kazakh. Une première dans la région.
Et ce n’est pas tout : les ambitions du Kazakhstan s’étendent au sol. Des chercheurs locaux ont mis au point un prototype de robot militaire terrestre capable de cartographier des zones de combat en 3D, de détecter les mines, d’évacuer les blessés ou encore de semer des explosifs. Un soldat autonome, sans fatigue, ni peur.
Une armée silencieuse mais stratégique : le Kazakhstan s’organise en coulisses
Alors que la Russie exhibe ses armements et que la Chine s’affiche en modèle technologique, le Kazakhstan choisit la voie du développement maîtrisé. Lors du salon KADEX 2018, déjà, 124 équipements terrestres et 18 types de drones étaient exposés. Des accords furent signés avec des partenaires russes, belges, turcs, mais aussi avec les instituts scientifiques kazakhs. Pas de coup d’éclat, mais une diplomatie de la défense discrète, méthodique, patiente.
La compétition du 1er mai 2025 s’inscrit dans cette logique. Récompenser un lieutenant ou un sergent pour sa capacité à manipuler un drone FPV dans des conditions extrêmes n’a rien d’anecdotique. C’est une manière d’ancrer, à l’échelle tactique, une stratégie nationale. De faire émerger une culture opérationnelle adaptée aux conflits modernes.
Et de montrer, en filigrane, que dans la guerre de demain, ce ne sont pas les armées les plus visibles qui domineront, mais celles qui sauront anticiper. La géographie du Kazakhstan, vaste et peu peuplée, s’y prête idéalement. Reste à savoir si cette stratégie silencieuse saura faire du pays un acteur militaire régional de premier plan. Les drones, eux, sont déjà prêts.