Le ministère des Finances du Kazakhstan a annoncé la création prochaine d’un guichet numérique unique dédié aux entrepreneurs. Ce projet, qui s’inscrit dans une stratégie de digitalisation de l’administration, entend centraliser tous les services liés à la gestion et à la vie des entreprises sur une seule et même plateforme. Reste à voir si l’intention se traduira en une réalité fluide, fonctionnelle et exempte des écueils passés.
Un guichet numérique unique aux ambitions (très) larges
Au Kazakhstan, les entrepreneurs pourront bientôt bénéficier d’un guichet numérique unique. Derrière l’« Espace numérique unique de l’entrepreneur » se cache un projet au spectre impressionnant. Selon le ministère des Finances, l’objectif est clair : regrouper sur une seule interface l’ensemble des outils numériques nécessaires à la conduite d’une activité économique.
Concrètement, cette plateforme devrait intégrer :
– le service d’émission des factures électroniques (ЭСФ),
– la plateforme unique de passation des marchés publics (ЕПЗ),
– le système douanier « Keden »,
– le dépôt numérique des rapports financiers (ДФО),
– le registre des actifs publics E-Qazyna,
– le système d’administration fiscale ISNA,
– ainsi que Qoldau, dédié aux procédures de faillite.
Un inventaire à la Prévert ? Peut-être. Mais l’intention est, elle, limpide : faire du guichet numérique unique le cœur digital de la relation entre l’État et les entrepreneurs.
Faciliter la vie des entrepreneurs, vraiment ?
« Le ELKP couvre l’intégralité du cycle de l’activité entrepreneuriale : de l’enregistrement à l’obtention d’avantages fiscaux et à la participation aux appels d’offres », affirme le ministère des Finances du Kazakhstan.
Les usagers pourront y :
– déposer leurs déclarations fiscales,
– demander le remboursement de trop-perçus,
– corriger des paiements,
– modifier leur régime fiscal,
– suivre leurs opérations avec le budget public.
Le tout, en ligne et sans avoir à se déplacer dans les administrations. Une promesse qui sonne comme un soulagement pour de nombreux entrepreneurs kazakhs, souvent confrontés à des procédures labyrinthiques et chronophages.
Mais alors que le ministère vante une interface « intuitive » ayant fait l’objet de tests utilisateurs, la méfiance reste de mise. Pourquoi ? Parce que ce même gouvernement a récemment subi un feu nourri de critiques sur la plateforme douanière « Keden », déjà mentionnée dans la liste des services intégrés à ELKP. Des retards d’enregistrement de documents pouvant dépasser les 24 heures et des erreurs systémiques ont été rapportés par plusieurs entreprises importatrices.
Une intégration numérique sous haute tension
D’après les informations disponibles, le projet ELKP est encore en phase de développement. L’intégration avec les différentes plateformes étatiques est en cours, tout comme l’optimisation de l’interface. Et ce n’est pas tout : une application mobile est en préparation, censée reprendre la totalité des fonctionnalités de la version web, et destinée aux systèmes iOS et Android via App Store et Play Market.
Mais le chantier s’annonce complexe. L’enjeu ne se limite pas à une simple interconnexion technique. Il s’agit de faire coopérer plusieurs architectures informatiques ministérielles, souvent développées sans coordination, et de leur superposer une interface cohérente, stable, rapide.
Un précédent montre l’écueil possible : la fameuse plateforme « Keden », intégrée au futur guichet, était censée simplifier le processus d’importation. Résultat ? « De nombreux utilisateurs signalent des bugs, des lenteurs critiques et des pertes financières causées par des délais anormaux dans la transmission des documents. »
Un futur incertain mais surveillé de près
Au-delà des déclarations officielles, l’absence d’un calendrier de mise en service précis interroge. Aucune date de lancement définitive n’a été rendue publique. Et si la volonté de modernisation est indéniable, le Kazakhstan n’est pas seul dans cette course à la simplification numérique des démarches entrepreneuriales. L’Estonie, la Corée du Sud, les Émirats arabes unis et Singapour sont déjà en pointe dans ce domaine. Le défi n’est donc pas uniquement administratif : il est aussi stratégique et géopolitique.
La réussite du guichet numérique unique dépendra de sa capacité à corriger les lacunes passées, à garantir une expérience utilisateur fluide, et surtout à réconcilier les entrepreneurs avec une administration souvent perçue comme hostile.
Encore embryonnaire mais déjà très attendu, le guichet numérique unique kazakhstanais cristallise à la fois espoirs et scepticismes. Rassembler des dizaines de services sur un seul portail, c’est séduisant. Le faire fonctionner sans accrocs, c’est une autre affaire. L’État kazakhstanais a misé gros. Il lui reste maintenant à convaincre que cette fois, le numérique n’est pas synonyme de panne généralisée.