Le Tadjikistan emboîte le pas au Kazakhstan dans le virage numérique
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Le 7 avril 2025, dans le cadre de la « ICT Week » organisée à Douchanbé, le gouvernement du Tadjikistan a levé le voile sur EGOV.TJ, un nouveau portail censé centraliser tous les services publics de l’État. À l’instar du célèbre egov.kz kazakhstanais, ce projet vise à réduire la paperasse et les files d’attente dans les couloirs poussiéreux de l’administration.

Egov : un modèle kazakhstanais déjà bien rodé

Si le mot « egov » circule aujourd’hui dans les couloirs du pouvoir tadjik, c’est bien grâce au voisin du nord. Depuis près de deux décennies, le Kazakhstan a investi massivement dans la dématérialisation de ses services publics, avec son portail egov.kz comme vitrine principale.

Ce portail offre un éventail vertigineux de fonctionnalités : demande de certificat de naissance, paiement d’impôts, renouvellement du permis de conduire, envoi de documents administratifs, consultation de données fiscales, obtention d’attestations, demande de subventions… Rien n’a été oublié. Pour les citoyens, il suffit d’un clic ou d’un identifiant pour déclencher la machine administrative. L’application eGov Mobile, souvent saluée pour sa rapidité, permet même de notifier un conducteur d’une panne ou de reconnaître un diplôme étranger. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : plus de 500 services en ligne sont disponibles. Un citoyen peut aujourd’hui déposer une demande de pension, enregistrer une entreprise ou même consulter son historique de crédit… sans quitter son salon.

Egov.tj : ambitions numériques pour un État sous-connecté

Alors que le Tadjikistan souffre encore d’une connectivité aléatoire et d’un accès inégal aux services numériques, le lancement du portail EGOV.TJ marque une volonté politique claire. Selon Amir Khotami, le directeur du département Développement et marketing de l’entreprise publique en charge du projet, « EGOV.TJ est un constructeur de site web unifié, sur la base duquel sont créées les ressources web officielles de toutes les institutions publiques du pays ».

Autrement dit, EGOV.TJ est une plateforme unique sur laquelle seront bâtis tous les sites officiels des ministères, agences et institutions. Développé dans le cadre du projet EPIR, ce portail vise la standardisation technique et visuelle de l’ensemble des ressources publiques.

Déjà, plus de 40 sites sont prêts techniquement – ceux de la mairie de Douchanbé ou du Parquet général en tête – et seront hébergés dans cet écosystème unifié. Une mise en conformité technique bienvenue dans un pays où, jusqu’ici, chaque ministère gérait son site web comme une chasse gardée.

Le Kazakhstan en pionnier, le Tadjikistan en apprenti

Comparé au mastodonte egov.kz, le portail tadjik en est encore à ses balbutiements. La plateforme a été amorcée en septembre 2024 et les premiers sites ont vu le jour en novembre de la même année. L’objectif n’est pas encore de proposer des démarches administratives complètes en ligne, mais d’offrir un cadre unifié, clair et actualisé.
Là où egov.kz propose des services proactifs – avec une démarche déclenchée automatiquement en fonction des événements de vie – EGOV.TJ reste pour l’instant un agrégateur d’informations. Mais l’ambition est claire : faire de ce site l’interface officielle de l’administration, pour tous les citoyens, sans discrimination géographique.

Des voisins encore dans l’ombre numérique

Le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan tentent eux aussi d’entrer dans la danse, chacun avec des projets plus ou moins avancés. Le Kirghizistan propose une interface de services simplifiés, notamment pour les documents d’identité et les certificats familiaux, mais sans le degré d’intégration kazakh. L’Ouzbékistan multiplie les portails thématiques sans parvenir à les centraliser. Quant au Turkménistan, le numérique y reste davantage un outil de contrôle qu’un levier d’efficacité.

Face à ces tentatives, le Kazakhstan fait figure de phare numérique en Asie centrale, tandis que le Tadjikistan, avec EGOV.TJ, semble vouloir s’extraire d’un isolement bureaucratique.

Vers une convergence numérique régionale ?

Alors que la digitalisation devient un enjeu de gouvernance mondiale, l’apparition d’un « egov » au Tadjikistan pourrait bien changer la donne. Si le pays parvient à enrichir sa plateforme au-delà de la simple publication d’informations, il pourrait, à terme, réduire drastiquement les coûts administratifs et améliorer la transparence étatique.
Mais attention : créer un portail ne suffit pas. Encore faut-il qu’il fonctionne, qu’il inspire confiance, et surtout… qu’il soit utilisé. Là-dessus, les autorités tadjikes ont du pain sur la planche.

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