À Vienne, lors de la 69ᵉ Conférence générale de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), son président, Rafael Grossi, a affirmé que son organisation accompagnerait le Kazakhstan à chaque étape de la construction de sa future centrale nucléaire. Un soutien stratégique, au moment où le pays s’apprête à entrer de plain-pied dans l’ère atomique civile.
Le Kazakhstan s’engage résolument dans le nucléaire civil avec l’appui de l’AIEA
Le 16 septembre 2025, le directeur général de l’AIEA, Rafael Mariano Grossi, a pris la parole devant les États membres réunis à Vienne. « L’AIEA accorde une grande valeur à cette contribution et est prête à soutenir le Kazakhstan à chaque étape du développement de l’énergie nucléaire pacifique », a-t-il déclaré. Ces mots, qui marquent une inflexion diplomatique notable, s’adressaient à un pays engagé depuis un an dans un ambitieux projet de centrale nucléaire, symbole d’un tournant énergétique et géopolitique.
Si le ton de Rafael Grossi était solennel, c’est parce que le Kazakhstan a franchi en peu de temps plusieurs étapes décisives. En octobre 2024, un référendum national a validé le principe de la construction d’une première centrale nucléaire, avec un soutien massif de 71% des suffrages exprimés. Ce vote a levé le principal obstacle politique, donnant au gouvernement de Kassym-Jomart Tokaïev un mandat populaire pour relancer un secteur abandonné depuis la fermeture de la centrale de Aktau dans les années 1990.
Depuis ce vote, les ambitions d’Astana se sont précisées. Le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, a annoncé que la capacité de production nucléaire du pays devait atteindre 2,4 GW à l’horizon 2035. Ce choix répond à une double nécessité : sécuriser l’approvisionnement électrique d’un pays dont la demande explose, et réduire sa dépendance au charbon, encore dominant dans le mix énergétique kazakhstanais. Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement mise sur un partenariat étroit avec l’AIEA, qui doit assurer l’encadrement technique et réglementaire de ce programme inédit.
L’AIEA promet un accompagnement intégral et structuré sur le long terme
Au-delà de l’appui politique, Rafael Grossi a détaillé la nature du soutien attendu. Il a rappelé que le Kazakhstan joue déjà « un rôle essentiel dans le cycle mondial du combustible nucléaire, non seulement grâce à sa position de leader dans la production d’uranium, mais aussi par l’introduction de solutions innovantes ». Pour que le pays réussisse son virage industriel, l’AIEA mobilisera son expertise à toutes les phases du projet.
Rafael Grossi a ainsi évoqué la méthodologie dite « Milestones », un cadre de référence élaboré par l’AIEA qui découpe le développement d’un programme nucléaire en 19 étapes, depuis la décision politique initiale jusqu’à la mise en service d’une centrale. Ce dispositif permettra d’évaluer la sûreté des sites, de former les ingénieurs et les régulateurs, de renforcer les institutions de contrôle et d’élaborer un corpus réglementaire conforme aux normes internationales. Selon Rafael Grossi, cette approche structurée vise à garantir que chaque jalon sera franchi « de manière sûre, transparente et durable », afin d’ancrer le programme kazakh dans les meilleures pratiques mondiales.
Un projet stratégique aux ambitions considérables et aux défis multiples
L’engagement de l’AIEA intervient dans un contexte d’attentes très élevées à Astana. Le Kazakhstan, qui exporte déjà près de 40% de l’uranium mondial, veut désormais gravir la chaîne de valeur en produisant son propre combustible et en exploitant des centrales nationales. Mais les défis sont de taille. Le calendrier, d’abord, est particulièrement ambitieux : bâtir d’ici 2035 plusieurs réacteurs là où aucune centrale commerciale n’est aujourd’hui en service. Le financement et le choix du partenaires industriel représentent également un enjeu sensible, puisqu’il s’agit du Russe Rosatom, qui construira cette centrale sur fonds propres.
Par ailleurs, le projet reste scruté par une partie de la société civile, encore marquée par l’héritage des essais nucléaires soviétiques de Semipalatinsk. Des ONG et des scientifiques soulignent les risques liés à la gestion des déchets radioactifs et à la sûreté des installations, appelant à une transparence totale. Pour le gouvernement, l’appui technique et institutionnel de l’AIEA est donc aussi un gage de crédibilité destiné à rassurer l’opinion publique et les investisseurs étrangers. L’agence onusienne entend, de son côté, faire du Kazakhstan un modèle de développement nucléaire « sûr, durable et responsable » en Asie centrale, preuve que la filière civile peut se déployer même dans un pays sans expérience récente en matière de production d’énergie nucléaire.