Le Kazakhstan n’est plus seul à miser sur les grandes infrastructures régionales : l’Ouzbékistan s’apprête à devenir un maillon central du commerce eurasiatique. À Tachkent, un terminal logistique d’envergure internationale verra bientôt le jour grâce à un partenariat entre DP World, géant émirati de la logistique, et la société publique Tachkent Invest. Ce projet colossal, estimé à 288 millions de dollars, ambitionne de faire de la capitale ouzbèke un hub multimodal capable de transformer la circulation des marchandises en Asie centrale.
Un partenariat stratégique au cœur de la vision logistique ouzbèke
Le 10 octobre 2025, les autorités ouzbèkes et DP World, l’un des principaux opérateurs mondiaux de ports et de terminaux logistiques, ont signé un accord historique. Les deux partenaires créeront une coentreprise, DP World Tashkent, chargée de concevoir, développer et exploiter un terminal logistique moderne à proximité immédiate de la capitale. L’investissement global dépassera 288 millions de dollars, répartis sur trois phases. L’objectif affiché : renforcer les chaînes d’approvisionnement régionales, réduire les coûts de transport et faire de l’Ouzbékistan une plateforme logistique incontournable entre la Chine, le Kazakhstan et l’Europe.
Le nouveau terminal logistique s’inscrit dans la stratégie nationale de modernisation des infrastructures de transport. Situé dans une zone industrielle spéciale de 82 hectares près de Tachkent, le site accueillera à terme un centre logistique multimodal intégrant le rail, la route et la distribution urbaine. La première phase prévoit la construction d’un terminal ferroviaire d’une capacité annuelle de 150.000 EVP (équivalents 20 pieds), ainsi qu’un complexe d’entrepôts de 63.000 m².
DP World, connu pour ses opérations sur plus de 60 terminaux dans le monde, apporte au projet son savoir-faire technologique et logistique. Le groupe a indiqué dans un communiqué que le terminal serait « soutenu par sa propre gare de fret dédiée, accélérant le traitement et la livraison des marchandises, tout en réduisant les coûts logistiques ». Ce dispositif, couplé à des solutions numériques de suivi des flux, doit permettre une meilleure fluidité des échanges dans une région encore largement dépendante des corridors terrestres saturés.
Un levier de compétitivité régionale pour Tachkent
Pour les autorités ouzbèkes, l’enjeu dépasse la simple construction d’un terminal logistique. L’ambition est de positionner Tachkent comme le principal centre de distribution d’Asie centrale. La coentreprise DP World Tashkent LLC sera responsable non seulement du développement du site, mais aussi de la gestion opérationnelle à long terme. À mesure que la demande augmentera, la surface d’entreposage pourrait être étendue jusqu’à 163.000 m².
Le PDG de DP World, Sultan Ahmed bin Sulayem, a déclaré : « Cette coopération reflète notre engagement à soutenir la vision de l’Ouzbékistan de devenir un pôle majeur du commerce et de la logistique en Asie centrale ». Ce positionnement s’aligne sur la stratégie nationale « Uzbekistan 2030 », qui mise sur les corridors ferroviaires internationaux reliant la Chine à la mer Caspienne. À travers ce projet, Tachkent espère capter une partie des flux transitant actuellement par le Kazakhstan et la Russie.
Un chantier phasé et structuré pour soutenir la croissance
La construction s’effectuera en trois grandes étapes. La première, déjà planifiée, vise à achever le terminal ferroviaire et les entrepôts d’ici fin 2026. La deuxième phase intégrera de nouvelles installations logistiques, notamment un centre de groupage, des entrepôts frigorifiques et un espace de services pour opérateurs privés. Enfin, la dernière phase portera sur la connectivité intermodale : routes périphériques, raccordement au réseau ferroviaire national et zones de stationnement poids lourds.
DP World, qui gère déjà des hubs similaires à Dubaï, Djibouti ou au Kazakhstan, a fait savoir que la structure de Tachkent servira de modèle pour d’autres projets régionaux. L’entreprise mettra à disposition ses technologies de gestion automatisée des terminaux, déjà éprouvées à Jebel Ali. Le partenariat permettra de « réduire de manière significative le temps moyen de traitement des conteneurs et de fluidifier la chaîne logistique entre l’Asie et l’Europe ».
Ce terminal s’intégrera au programme national de corridors verts, lancé par le ministère des Transports d’Ouzbékistan, qui vise à digitaliser la logistique et à harmoniser les standards douaniers. À terme, il pourrait servir de point de consolidation pour les exportations agricoles et industrielles, facilitant leur expédition vers les marchés européens via la mer Noire.
Tachkent, carrefour logistique en devenir
Le choix de Tachkent n’est pas anodin. Capitale politique et économique, elle se situe à la croisée des axes ferroviaires reliant la Chine, le Kazakhstan et le Turkménistan. Le nouveau terminal logistique viendra compléter le corridor ferroviaire sino-ouzbèke-kirghize, en cours de modernisation. Les autorités locales espèrent ainsi réduire la dépendance au réseau russe pour le transit des marchandises vers les ports européens.
DP World Tashkent prévoit également de développer un écosystème logistique intégré autour du terminal, incluant des services douaniers, des zones de transformation légère et des espaces de distribution pour les acteurs du e-commerce. L’initiative devrait générer plusieurs milliers d’emplois directs et indirects. Les autorités municipales de Tachkent soulignent que le projet favorisera le transfert de compétences vers les acteurs locaux du transport et de la logistique.
À plus long terme, le terminal pourrait devenir un point d’ancrage pour les échanges entre l’Ouzbékistan et les pays membres de l’Union économique eurasiatique, tout en facilitant l’accès aux marchés du Moyen-Orient via les Émirats arabes unis. Cette synergie s’inscrit dans la volonté de Tachkent de diversifier ses partenaires commerciaux et de renforcer la connectivité régionale.
Un projet emblématique de la transformation logistique de l’Ouzbékistan
La participation de DP World, l’un des leaders mondiaux du secteur, confère à ce projet une dimension stratégique majeure. Outre les investissements directs, la société apportera des solutions de traçabilité numérique et d’optimisation des flux, contribuant à moderniser l’ensemble du secteur logistique ouzbek.
L’expérience de l’opérateur émirati dans les hubs multimodaux pourrait accélérer l’intégration de Tachkent dans les grands réseaux internationaux de fret. Selon DP World, le terminal de Tachkent représente « une étape décisive dans le développement d’une plateforme régionale performante, capable de connecter efficacement producteurs, marchés et ports maritimes ».
À travers ce chantier, l’Ouzbékistan confirme son ambition de devenir un pont entre l’Est et l’Ouest. Le terminal logistique de Tachkent ne sera pas seulement une infrastructure : il incarnera la mutation d’un pays qui mise sur la connectivité pour asseoir sa croissance.