Le Kazakhstan se dote d’un super‑ordinateur pour doper ses entreprises
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Le 9 juillet 2025, à Astana, le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, a inauguré le super-ordinateur Alemcloud. Avec une capacité annoncée de 2 exaflops en FP8, il s’agirait du calculateur le plus puissant d’Asie centrale. Ce jalon technologique, présenté comme une avancée majeure dans la digitalisation du pays, soulève autant d’enthousiasmes que d’interrogations.

Un super-ordinateur à Astana : promesse de puissance ou déclaration politique ?

Dans le data-center flambant neuf du ministère kazakhstanais du Développement numérique, installé à Astana, le chef de l’État Kassym-Jomart Tokaïev a présidé le lancement officiel du super-ordinateur Alemcloud, conçu en partenariat avec des acteurs internationaux et reposant sur une infrastructure GPU NVIDIA H200. Ce cluster affiche une capacité de calcul de 2 exaflops en format FP8, une prouesse dans la région.

« Le lancement de ce super-ordinateur représente une étape essentielle dans la digitalisation des secteurs clés », a déclaré le président dans son allocution.

En format FP8 — optimisé pour les calculs d’intelligence artificielle — ce système se positionne comme le plus puissant d’Asie centrale, bien que restant en retrait des ténors mondiaux comme El Capitan (États-Unis) ou Aurora (Argonne Labs), qui culminent à plusieurs dizaines d’exaflops en FP32.

Un super-ordinateur au service d’une stratégie de numérisation

Selon les informations communiquées par Akorda, le Palais présidentiel, Alemcloud ne se limite pas à un exploit technique. Il est conçu comme un levier de transformation pour l’ensemble de l’écosystème numérique du pays. Start-ups spécialisées en intelligence artificielle, universités, centres de recherche, institutions publiques ou encore entreprises privées auront accès à cette puissance de calcul inédite.

L’objectif affiché ? Accélérer le développement d’une souveraineté numérique, renforcer les capacités locales en matière d’intelligence artificielle et structurer une politique de recherche appuyée sur des infrastructures robustes. Cette orientation stratégique vise également à positionner le Kazakhstan comme une plateforme régionale d’hébergement et de traitement de données dans un contexte géopolitique de plus en plus tourné vers la techno-diplomatie.

Astana, vitrine d’un écosystème IA en gestation

En marge de cette inauguration, Kassym-Jomart Tokaïev a également visité des stands de présentation de projets IA développés localement. Parmi les projets mis en avant figure SmartCity Astana, une initiative visant à créer un jumeau numérique de la capitale grâce à plus de 100.000 caméras interconnectées utilisant des algorithmes de reconnaissance et d’analyse en temps réel. L’ensemble est financé par des partenaires privés, dans une logique de partenariats public-privé qui devient la norme au Kazakhstan.

Autre projet-clé : AlemLLM, un modèle linguistique d’intelligence artificielle en langue kazakhe de grande taille, capable d’interagir dans la langue nationale avec un niveau de précision que ses concepteurs jugent supérieur aux solutions étrangères. Ce développement marque une volonté politique affirmée de consolider une IA multilingue adaptée aux réalités locales.

La diversité des initiatives est frappante :

– AI Kitap, plateforme de manuels numériques intelligents pour un apprentissage personnalisé ;
– Baspana Hub, écosystème numérique pour la gestion intégrée des services immobiliers ;
– OlympIQ, outil analytique destiné au suivi et au développement du sport de haut niveau ;
– AI-Therapevt, assistant médical vocal pour la production automatisée de rapports cliniques ;
– Un système de détection précoce des incendies fondé sur la vidéo-analyse déployé dans le parc national de Bourabaï.

Ces projets ont été conçus sans recours à des financements étrangers dans plusieurs cas. Le gouvernement affiche ici une ambition claire : construire une autonomie technologique appuyée sur des solutions conçues in situ.

L’exaflop politique : le Kazakhstan entre calcul et diplomatie

Le Kazakhstan ne mise pas seulement sur la performance brute. En s’associant à Presight AI et à l’émirati G42, les autorités envoient un signal fort : l’infrastructure numérique est désormais une arme diplomatique. Le choix d’un data center classé Tier III, combiné à des standards de sécurité internationaux, vise à rassurer autant les investisseurs que les voisins de la région.

En étant objectif, il faut néanmoins dire que cette puissance ne suffit pas à intégrer le cercle fermé des superordinateurs figurant dans le classement mondial Top500, où figurent uniquement des machines calibrées pour les formats de calcul scientifique (FP64, FP32). Le choix du FP8, tout en étant pertinent pour l’IA, limite l’ambition du Kazakhstan à un leadership régional, non mondial.

Si les ambitions affichées sont claires, la pérennité de l’écosystème reste en suspens. Le pays saura-t-il mobiliser suffisamment de ressources humaines, de projets industriels et de talents scientifiques pour exploiter à pleine capacité un tel monstre de calcul ? L’accès à la machine sera-t-il équitablement réparti entre le privé et le public ? Quelle gouvernance pour ces données sensibles ? Autant de questions qui restent en suspens.

Par Païsiy Ukhanov
Le 07/10/2025

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