Le 20 juin 2025, à Moscou, l’agence uzbèke de l’énergie atomique Uzatom a signé un mémorandum de coopération avec la société d’État russe Rosatom. Un accord, à première vue technique, qui prévoit la création en Ouzbékistan de centres de stérilisation par rayonnements ionisants. Mais derrière ce partenariat se cache un virage industriel bien plus vaste, où géopolitique, agroéconomie et nucléaire civil s’imbriquent dangereusement.
Ionisation, un mot qui claque dans le silence
C’est un processus physique redoutablement efficace : la stérilisation par ionisation utilise des rayonnements gamma (issus du cobalt 60), des électrons ou des rayons X pour éliminer bactéries, spores et agents pathogènes. Ce traitement à froid ne rend pas les produits radioactifs. En revanche, il prolonge leur durée de conservation tout en garantissant une stérilité quasi absolue — un enjeu crucial pour le secteur médical et l’agroalimentaire.
« L’Ouzbékistan avance résolument vers de nouveaux horizons, et cette coopération nous permettra non seulement d’améliorer la qualité de notre production nationale, mais aussi de renforcer considérablement notre potentiel d’exportation, en ouvrant de nouvelles possibilités pour un développement durable du pays », a déclaré Azim Akhmedkhadjaev, le directeur de l’agence Uzatom. Le mot est lâché : exportation. Il ne s’agit donc pas simplement d’assainir quelques seringues ou de désinfecter des abricots.
Uzatom mise sur la puissance ionisante pour l’agro et le médical
Ce projet vise explicitement deux secteurs placés au cœur de la politique de modernisation ouzbèke : la santé publique et l’industrie agroalimentaire. Selon les termes du mémorandum, les futurs centres de stérilisation seront « multifonctionnels » et « déployés à l’échelle nationale ». Arthur Kolontaev, représentant russe impliqué dans l’accord, enfonce le clou : « Ce n’est pas seulement une technologie, c’est une industrie complète qui peut contribuer à la sécurité alimentaire et à l’augmentation des exportations ».
Les chiffres donnent le vertige : l’Asie centrale perd chaque année jusqu’à 30% de sa production agricole au stade du transport et de la conservation. Une partie significative de ces pertes est due à l’absence de technologies modernes de conservation — exactement ce que la stérilisation par ionisation prétend résoudre. Et si ces rayons sauvaient les récoltes bien plus efficacement que mille discours sur la sécurité alimentaire ?
La stérilisation par rayons : procédé sûr, mais étiquette sensible
L’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) valident sans ambiguïté la sécurité de cette technique. Le procédé est utilisé dans plus de 60 pays, y compris dans les chaînes pharmaceutiques et alimentaires européennes.
En France, la société Ionisos, leader du secteur, applique déjà cette méthode pour la stérilisation d’implants chirurgicaux, d’aliments et de cosmétiques. L’étiquette « traité par rayonnements ionisants » est obligatoire, mais reste méconnue du grand public. Et c’est là que le bât blesse : l’ionisation, malgré son efficacité, fait toujours frémir. Entre fantasmes radioactifs et rejet instinctif des technologies « nucléaires », le mot continue de rebuter. Mais soyons clairs : la stérilisation par ionisation est une pasteurisation avancée, sans chaleur, sans additifs, sans contact. Une asepsie propre. Un outil stratégique pour les États soucieux de sécuriser leurs circuits d’approvisionnement et d’exporter sans failles sanitaires.
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