Le 20 juin 2025, à Astana, capitale du Kazakhstan, un accord a été signé entre la Fédération de Russie et l’Ouzbékistan pour la construction d’une centrale nucléaire d’une capacité totale de 2.110 MW. Cet engagement énergétique de grande envergure, fruit d’une longue série de négociations, marque un tournant décisif pour Tachkent — qui confie ainsi une part cruciale de son avenir énergétique à Rosatom, le géant atomique russe.
L’Ouzbékistan mise sur le nucléaire : une alliance russo-ouzbèke à la puissance 2.000 MW
Le projet s’articule en deux volets distincts. D’un côté, une grande centrale à deux réacteurs VVER‑1200, totalisant 2 gigawatts. De l’autre, une centrale nucléaire modulaire de petite taille (SMR), composée de deux unités RITM‑200N, soit une puissance combinée de 110 MW.
Derrière ces chiffres se cache une stratégie énergétique plus vaste : étendre rapidement la part du nucléaire dans le bouquet énergétique ouzbek, actuellement dominé par le gaz naturel. La petite centrale sera construite en priorité, avec un démarrage des travaux dès l’été 2025 et une mise en service prévue entre 2029 et 2033.
Djizak, laboratoire nucléaire de l’Asie centrale
Le lieu choisi n’est pas anodin : la région de Djizak, au cœur de l’Ouzbékistan, à proximité des grands axes logistiques et de zones faiblement peuplées. Un choix stratégique, mais aussi symbolique, tant cette région a longtemps souffert de sous-investissement.La centrale principale sera équipée des réacteurs russes VVER‑1200, modèle de génération III+ réputé pour sa puissance, sa sûreté renforcée et son cycle de vie prolongé. Ces réacteurs sont déjà en service en Biélorussie et en Égypte, mais leur implantation en Asie centrale marque une première.
Quant à la centrale SMR, elle utilisera les modules RITM‑200N — technologie issue du programme nucléaire embarqué sur brise-glaces russes, adaptée ici à une installation terrestre. D’une puissance unitaire de 55 mégawatts électriques et de 190 mégawatts thermiques, ces unités sont conçues pour 60 ans d’exploitation.
La Russie, fournisseur exclusif d’atome
L’annonce a été faite en présence de Vladimir Poutine, lors du Forum économique d’Astana. Et ce n’est pas un détail : le projet nucléaire ouzbek s’inscrit pleinement dans la stratégie russe de diplomatie énergétique.
Rosatom, bras armé de Moscou dans le domaine nucléaire, supervise à la fois la conception, la construction, la fourniture du combustible, la maintenance, et le retraitement des déchets. Autrement dit, l’Ouzbékistan confie à la Russie l’intégralité du cycle nucléaire, une dépendance structurelle qui pourrait peser lourd dans les décennies à venir.
« La coopération énergétique avec la Russie est une garantie de stabilité pour notre avenir », a déclaré un responsable ouzbek cité par Asia-Plus dans l’article daté du 20 juin 2025. Mais à quel prix cette stabilité est-elle obtenue ? Et qui définira les conditions de cette relation asymétrique dans 30 ans ?
Calendrier flou, coûts opaques : une transparence à géométrie variable
Si la volonté politique est affichée avec vigueur, les contours économiques restent étrangement flous. Aucun chiffre précis n’a été officiellement confirmé quant au coût total du projet, mais plusieurs estimations avancent une enveloppe de près de 2 milliards de dollars pour la seule centrale SMR, soit environ 1,85 milliard d’euros.
Et pour la grande centrale ? Silence radio. Officiellement, le financement sera assuré par la partie ouzbèke, avec un appui technologique russe. Mais certains analystes évoquent des garanties croisées sur les ressources énergétiques ou des investissements collatéraux russes dans des infrastructures critiques.
Et la société civile dans tout ça ?
Rien. Aucun débat parlementaire ouvert, aucune consultation publique sérieuse. Les décisions tombent du sommet de l’État, et la population découvre les projets une fois les pelleteuses sur place. Un silence assourdissant qui tranche avec l’ampleur du chantier.
Les risques environnementaux, les conséquences sur les nappes phréatiques de Djizak, ou encore la question du stockage des déchets nucléaires : autant de problématiques totalement absentes du discours officiel.
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