Aïd al-Adha : l’Ouzbékistan trace sa diplomatie à coups de convois humanitaires
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Le 5 juin 2025, à l’occasion de l’Aïd al-Adha — fête musulmane du sacrifice — l’Ouzbékistan a envoyé 183 tonnes d’aide humanitaire à l’Afghanistan, annonce l’Administration régionale de Surkhandarya. Cette opération, pilotée directement sur instruction du président Shavkat Mirziyoyev, s’inscrit dans une stratégie régionale plus subtile qu’elle n’en a l’air. Au-delà des colis, c’est toute la diplomatie de Tachkent qui se donne à voir dans ce convoi humanitaire traversant Hairatan.

Un convoi d’aide humanitaire, vitrine de la solidarité ouzbèke

Livrée dans la province de Balkh, à Hairatan, l’aide humanitaire contenait un mélange de produits de première nécessité : farine, riz, sucre, pâtes, légumineuses, huile végétale, plats instantanés et sucreries. Un lot calibré, pensé pour répondre aux besoins élémentaires des foyers afghans, souvent en situation de pénurie chronique.

L’opération a été encadrée par des figures de poids : Ismatilla Irgashev, envoyé spécial du président ouzbek pour les affaires afghanes, Ulugbek Qosimov, gouverneur de la région frontalière de Sourkhan-Daria, et Nurulhodi Abuidris, vice-gouverneur de Balkh. Cette présence diplomatique n’a rien d’anecdotique : elles soulignent la volonté de Tachkent d’institutionnaliser ses livraisons.

Dans un communiqué relayé par plusieurs médias, les autorités afghanes ont exprimé leur reconnaissance pour ce soutien, adressant également leurs félicitations pour l’Aïd à leurs homologues du nord.

Une répétition diplomatique : l’Ouzbékistan au rendez-vous des fêtes

Ce convoi n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une stratégie régulière d’assistance de l’Ouzbékistan à son voisin. En mars 2025, deux envois avaient déjà été effectués à l’occasion de Nowruz et du Ramadan : près de 200 tonnes de vivres. En mai 2025, des semences agricoles avaient été acheminées pour stimuler une agriculture afghane en déroute.

Ce calendrier précis, calé sur les grandes fêtes religieuses et nationales, n’est pas un hasard. Il reflète un soft power assumé, ancré dans une diplomatie des valeurs. Lors de son allocution du 6 juin, Shavkat Mirziyoyev a déclaré : « Les valeurs de cette fête sacrée — telles que l’humanisme, la solidarité, la compassion et la générosité — s’alignent pleinement sur les vastes réformes mises en œuvre dans notre pays sous le noble principe ‘Pour le bien de l’individu, pour son bonheur’ ».

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L’aide humanitaire, arme douce d’une diplomatie régionale

Mais à qui profite réellement cette aide humanitaire ? Officiellement, à la population afghane. Officieusement, à un Ouzbékistan qui joue de plus en plus la carte de la stabilité régionale pour étendre sa zone d’influence.

Le nord de l’Afghanistan, peuplé d’Ouzbeks ethniques, constitue une zone tampon stratégique pour Tachkent. À chaque colis de nourriture envoyé, c’est un signal que l’on adresse aussi à Kaboul : l’Ouzbékistan se pose en partenaire fiable, constant et non-ingérent. Un contraste frappant avec les postures plus brutales adoptées par d’autres puissances régionales.

Et l’échange ne se limite pas à l’aide. En retour, l’Afghanistan a récemment offert 16 camions de marbre extrait de Hérat, destinés à la construction du complexe religieux Imam Boukhari en Ouzbékistan. Une diplomatie du granit, où les pierres deviennent un langage plus solide que les mots.

Stabilité, commerce et influence : les trois piliers ouzbeks

En arrière-plan de ces gestes humanitaires, se dessinent trois objectifs fondamentaux pour Tachkent : contenir les flux migratoires, empêcher l’implantation de réseaux djihadistes à la frontière, et asseoir un rôle de pivot commercial entre l’Asie centrale et le Sud.

Dans cette optique, la reconstruction économique de l’Afghanistan n’est pas seulement un vœu pieux. C’est une nécessité stratégique. L’Ouzbékistan n’hésite plus à proposer des projets d’infrastructures transfrontaliers ou à réactiver ses connexions ferroviaires avec Mazar-i-Sharif.

Et l’image projetée par ces convois d’aide humanitaire, minutieusement médiatisés, vaut plus que mille communiqués. Le message est clair : Tachkent n’est plus une capitale isolée du cœur eurasiatique. Elle est un acteur, un bâtisseur, un médiateur.

Par Païsiy Ukhanov
Le 06/07/2025

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