Le 3 mai 2025, le président kirghiz Sadyr Japarov a promulgué un décret instaurant un Conseil national pour les actifs virtuels, marquant une étape symbolique dans l’ambition du Kirghizstan de devenir un acteur régional de la technologie numérique. Cette annonce s’est déroulée en parallèle de la visite officielle de Changpeng Zhao, fondateur de Binance, géant mondial des échanges de cryptomonnaies. Les événements n’étaient pas fortuits : le pays passe à l’offensive sur le front numérique.
Un Conseil pour structurer la filière des actifs virtuels
Le Kirghizstan veut sortir du flou juridique et technique dans lequel baignent encore les actifs virtuels. C’est désormais chose faite. En signant ce décret, Sadyr Japarov a confié à cette nouvelle structure le soin de « définir une politique publique unifiée dans le domaine des actifs virtuels et des technologies blockchain, tout en stimulant les investissements et l’innovation, en harmonie avec les intérêts nationaux et les standards internationaux ».
Derrière cette terminologie diplomatique, les enjeux sont clairs. Le Conseil aura pour mission de :
– piloter l’évolution législative encadrant les actifs numériques,
– améliorer l’attractivité du pays auprès des entreprises étrangères du secteur,
– proposer des mesures pour intégrer l’économie kirghize aux flux mondiaux de capitaux blockchainisés
– et faire émerger des projets technologiques porteurs, financés par l’État ou des investisseurs.
À sa tête, le directeur de l’Agence nationale pour les investissements prendra le rôle de coordinateur exécutif. Cette centralisation du pilotage sous l’autorité présidentielle donne à cette initiative un poids politique inédit dans l’histoire technologique du pays.
Changpeng Zhao en visite au Kirghizstan : hasard ou stratégie ?
Le même jour, le 3 mai 2025, le très médiatique Changpeng Zhao – plus connu sous le sigle CZ – atterrissait en grande pompe à l’aéroport d’Issyk-Koul. Objectif : une rencontre avec le président Japarov à Cholpon-Ata. La photo était soigneusement mise en scène, mais les discussions, elles, étaient bien réelles.
Les deux hommes ont échangé sur « les perspectives de développement des actifs numériques et des technologies blockchain au Kirghizstan, ainsi que sur les enjeux de cybersécurité et de lutte contre les menaces numériques ». À l’issue de l’entretien, une annonce surprise a secoué les milieux technologiques : Changpeng Zhao a été nommé conseiller public du président pour les actifs numériques.
Une nomination lourde de symboles pour les ambitions blockchain
Ce geste dépasse le simple protocole. Il confirme une volonté stratégique de s’associer aux figures de proue de la blockchain mondiale pour renforcer la crédibilité du projet kirghize. Le président Japarov a d’ailleurs réaffirmé sa volonté « d’accélérer l’introduction des actifs numériques et le lancement du som numérique », récemment acté par une loi spécifique.
Quant à CZ, il a assuré de sa disponibilité pour « apporter une assistance consultative et technique, notamment sur l’introduction d’une monnaie numérique nationale et la formation de spécialistes », en partenariat avec des programmes éducatifs.
Cerise sur le gâteau : Changpeng Zhao participera au premier conseil du Conseil national sur les actifs virtuels. L’image est forte. Le fondateur de Binance, qui a souvent préféré l’indépendance aux attaches étatiques, devient, pour un jour, acteur d’une diplomatie numérique post-soviétique.
Le Kirghizstan, nouvelle Silicon Valley des montagnes ?
La question mérite d’être posée. Le Kirghizstan, petit pays d’Asie centrale enclavé, rêve désormais de s’inscrire dans les circuits mondiaux de la blockchain. Une ambition risquée, mais pas illogique. Grâce à un coût énergétique bas, une main-d’œuvre jeune et un appareil d’État désormais mobilisé, le pays dispose de cartes maîtresses.
Reste à les jouer intelligemment. Et à convaincre que derrière les mots – actifs virtuels, cryptomonnaies, BNB Chain – il y a un cap, une cohérence, un avenir.