Le 14 avril 2025, lors d’une série de rencontres tenues à Istanbul, la vice-ministre du Commerce et de l’Intégration du Kazakhstan, Janel Kushukova, a officialisé une intensification majeure de la coopération bilatérale avec la Turquie. L’objectif ? Attirer les investissements turcs dans des secteurs clefs du développement kazakh. Ces annonces, appuyées par la présence de figures de poids du monde des affaires, pourraient bien redessiner les équilibres industriels d’Asie centrale.
Turquie et Kazakhstan : des routes et des intérêts communs
Une trentaine de rencontres ont eu lieu le 14 avril 2025 entre des chefs d’entreprises turques et Janel Koushoukova, la vice-ministre du Commerce et de l’Intégration du Kazakhstan. « Les entreprises turques ont manifesté un intérêt marqué pour la construction, le développement des infrastructures de transport, la production de médicaments et d’aliments », a fait savoir le ministère par communiqué.
Ce regain d’intérêt turc n’a rien d’anodin : la géographie du Kazakhstan, pont logistique naturel entre la Chine et l’Europe, attise l’appétit d’un pays comme la Turquie, qui se voit en pivot eurasiatique. Des entreprises telles que Çalık Holding ou S Sistem Lojistik n’ont pas hésité à se positionner sur des contrats d’infrastructures, en misant sur la montée en puissance du Corridor transcaspien, cette route stratégique qui relie Pékin à Istanbul via le Kazakhstan sans passer par la Russie.
Produits pharmaceutiques et uranium : Ankara multiplie les cartes
Mais les routes commerciales ne sont qu’un début. Ankara lorgne également sur les ressources stratégiques du Kazakhstan, en particulier son uranium. Le Kazakhstan a ainsi proposé à la Turquie d’obtenir un contrat pour l’extraction d’uranium afin d’approvisionner ses réacteurs nucléaires. Ce partenariat inclurait aussi les étapes de conversion et d’enrichissement, composants essentiels du cycle nucléaire. Un choix qui intrigue : la Turquie, encore en phase de structuration de sa filière nucléaire, semble vouloir sécuriser des approvisionnements en s’ancrant dans un partenariat énergétique de long terme avec le Kazakhstan. Cette alliance pourrait bouleverser les rapports d’influence dans la région.
Une stratégie commerciale bien rodée, entre branding et influence
La dimension commerciale n’est pas en reste. Le programme Turquality, présenté par l’Assemblée d’exportateurs de Turquie à la délégation kazakhstanaise, constitue l’un des outils phares de la diplomatie économique d’Ankara. Il vise à internationaliser les marques turques en les soutenant à travers un système de « marques ombrelles », facilitant leur promotion sur les marchés étrangers.
Ce modèle séduit visiblement le Kazakhstan, désireux de s’en inspirer pour faire émerger ses propres champions industriels. Lors de ces pourparlers, la vice-ministre Kushukova a notamment insisté sur la nécessité de mieux faire connaître les produits kazakhstanais sur le marché turc et d’élargir la participation des producteurs locaux à des salons internationaux.
Vers une logique d’alliance industrielle structurée ?
Dans cette offensive économique bien orchestrée par la Turquie, plusieurs domaines convergent : logistique, finance, numérique, industries extractives et manufacturières. La participation d’acteurs comme Hepsiburada ou Turk Eximbank témoigne d’une volonté d’investissement structurée, avec un regard attentif sur les retombées à moyen et long terme.
Mais cette intensification des liens entre la Turqui et le Kazakhstan n’est pas sans interroger. L’ombre portée d’un rapport déséquilibré, où la Turquie exporterait ses modèles économiques, son infrastructure et ses ambitions nucléaires, pourrait bien alimenter des critiques. Le Kazakhstan saura-t-il préserver ses marges de manœuvre ?
Entre ambitions et dépendances, un partenariat à double tranchant
Si le rapprochement économique avec la Turquie offre au Kazakhstan des perspectives industrielles intéressantes, il révèle aussi des logiques de dépendance croissante. De l’extraction d’uranium à la commercialisation de médicaments, en passant par l’infrastructure numérique, le pays d’Asie centrale se retrouve au cœur d’une stratégie d’expansion économique turque qui ne dit pas son nom. Ce partenariat reflète aussi une dynamique plus large : celle d’une Turquie décidée à transformer son influence géopolitique en domination économique sur des territoires stratégiques. Et dans cette ambition, le Kazakhstan semble être devenu un pion aussi utile que vulnérable.