Entre minerais et géopolitique, le Kazakhstan trace sa voie avec l’UE
Kassym-Jomart Tokaïev au sommet UE-Asie centrale

Le 4 avril 2025, le Kazakhstan a pris part au premier sommet entre l’Union européenne et les pays d’Asie centrale, tenu à Samarcande, en Ouzbékistan. Cette rencontre de haut niveau, réunissant les dirigeants des cinq pays d’Asie centrale et les représentants de l’Union européenne, dont Ursula von der Leyen et António Costa, a marqué un tournant dans les relations entre ces deux blocs géographiques. Au cœur de ce dispositif, le Kazakhstan a multiplié les signaux d’ouverture, d’influence et de stratégie.

Le Kazakhstan et l’Union européenne : un partenariat revendiqué

La participation du Kazakhstan à ce sommet n’avait rien de symbolique. Le président Kassym-Jomart Tokaïev l’a souligné dès son allocution, affirmant que l’accord de partenariat élargi entre son pays et l’Union européenne constitue « la pierre angulaire du dialogue stratégique » entre les deux parties. Mais au-delà du verbe, c’est dans l’action que le Kazakhstan a voulu peser.

Premier producteur régional de matières premières critiques, le Kazakhstan s’est positionné comme un acteur incontournable dans les chaînes de valeur européennes. Le sommet a ainsi vu l’annonce d’un vaste plan d’investissement de l’Union européenne, estimé à 12 milliards d’euros, visant notamment à sécuriser l’accès aux ressources stratégiques du pays et développer des infrastructures de transport durable.

Un enthousiasme partagé par António Costa, président du Conseil européen, qui a rappelé l’importance d’un partenariat « fondé sur des intérêts stratégiques et une vision à long terme ».

sommet Union européenne - Asie centrale

Le Kazakhstan, pivot énergétique et logistique d’Asie centrale

Mais à quoi bon de l’enthousiasme sans livrables ? Le Kazakhstan entend bien faire valoir ses avantages comparatifs dans l’énergie, les transports et la tech. Kassym-Jomart Tokaïev a identifié quatre axes de coopération privilégiés : l’énergie, les grands projets industriels, les réseaux logistiques, et les innovations numériques — y compris les technologies de pointe et l’intelligence artificielle.

Cette dernière s’est d’ailleurs réjouie de la récente découverte d’un important gisement de terres rares au Kazakhstan, un développement qui renforce la pertinence géoéconomique du pays dans la transition verte européenne. En parallèle, la mise en avant du corridor transcaspien, axe clé de la connectivité entre l’Europe et l’Asie, a été saluée par les deux parties comme un projet stratégique majeur.

Le Kazakhstan, pivot logistique naturel entre la Chine, la Russie et l’Europe, cherche ainsi à consolider son rôle de plateforme intercontinentale — sans pour autant s’aliéner ses autres partenaires. La diplomatie multivectorielle kazakhstanaise joue ici à plein régime.

sommet de Samarcande

Une stratégie assumée de leadership régional

La participation de Kassym-Jomart Tokaïev à trois rencontres bilatérales en marge du sommet — avec Ursula von der Leyen, António Costa et les autres chefs d’État — traduit la volonté claire du Kazakhstan de s’imposer comme le leader diplomatique de l’Asie centrale. À l’image de ses 46 milliards d’euros d’échanges commerciaux avec les pays de l’Union européenne en 2024, le Kazakhstan confirme sa centralité dans les flux économiques transrégionaux.

La plateforme de dialogue C5+UE, dont Astana a salué la continuité, devient un levier privilégié pour faire entendre sa voix, tout en cultivant une position de médiateur au sein d’une région en mutation.

À Samarcande, le Kazakhstan n’a pas simplement assisté. Il a affirmé, esquissé et avancé. Face à une Union européenne en quête de nouveaux relais d’influence, et une Asie centrale encore en redéfinition post-soviétique, Astana avance ses pions avec méthode. Reste à savoir si cette offensive diplomatique se traduira, à terme, par une influence durable — ou si elle sera reléguée à un simple épisode protocolaire.

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