Le Kirghizstan adopte sa loi sur les « agents étrangers »
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Le président du Kirghizstan, Sadyr Japarov, a signé la loi controversée sur les « agents étrangers », suscitant une vague de réactions dans le pays et à l’international. Ce texte législatif impose de nouvelles obligations aux ONG recevant des fonds étrangers, dans un contexte où le chef de l’État assure qu’il n’y aura pas de persécution à leur encontre.

De nouvelles exigences très pesantes pour les ONG

Le 14 mars 2024, le parlement kirghize a adopté le projet de loi qui modifie certaines lois existantes, y compris le Code pénal, concernant les ONG. Selon le président Japarov, cette loi a été instaurée pour mettre de l’ordre dans le secteur des ONG qui, selon lui, depuis 30 ans opéraient sans immatriculation ni soumission des comptes. Les ONG devront désormais se faire immatriculer auprès du ministère de la Justice, ouvrir des comptes bancaires et opérer de manière transparente. Cette loi exige que les ONG divulguent des informations détaillées sur leurs revenus, dépenses, nombre de salariés et utilisation du travail bénévole, ainsi que sur les buts de dépenses des fonds et biens reçus, y compris ceux d’origines étrangères.

Un registre spécial pour les ONG « représentants étrangers »

Tout en signant le projet de loi, le président Japarov a cherché à rassurer les ONG en promettant qu’il n’y aurait pas de persécution à leur encontre. Il a souligné l’importance de la transparence et des conditions de travail équitables pour toutes les organisations. Néanmoins, la loi identifie les ONG engagées dans des activités politiques et financées depuis l’étranger comme des « représentants étrangers », s’alignant sur des législations similaires en vigueur en Russie et au Kazakhstan. Ces organisations devront fournir des rapports supplémentaires et pourront être soumises à des inspections impromptues, tout en étant inscrites dans un registre spécial. Elles seront également tenues d’indiquer clairement leur statut d’« agent étranger » dans toute publication ou diffusion d’information.

Un risque réel pour la survie des ONG au Kirghizstan

Malgré les assurances du président, des organisations locales et internationales de défense des droits de l’homme ont exprimé leur inquiétude, estimant que cette loi pourrait sérieusement limiter l’activité des ONG et avoir un caractère répressif. La loi entrera en vigueur dix jours après sa publication, marquant un tournant potentiel dans la manière dont les ONG opèrent au Kirghizstan, tout en alimentant le débat sur la balance entre la sécurité nationale et la liberté d’expression et d’association.

Les pays démocratiques déplorent la signature par Sadyr Japarov de la loi sur les « agents étrangers »

Reporters sans frontières considère cette nouvelle loi comme étant répressive pour les médias. « La loi sur la discrimination à l’encontre des présumés « agents étrangers », qui fait suite aux arrestations de journalistes et aux tentatives de censure, marque une nouvelle étape dans la voie autoritaire empruntée par le président Japarov au Kirghizstan. Les mesures répressives envisagées risquent d’étouffer les médias indépendants, déjà soumis à une forte pression policière. » Reporters sans frontières estime également que cette loi n’est rien d’autre qu’un prétexte pour réprimer davantage la société civile et détruire le pluralisme des médias.

Le Département d’État américain est également préoccupé par l’adoption de cette loi sur les « agents étrangers ». « Nous sommes profondément préoccupés par l’adoption de la loi dite « sur les agents étrangers », qui met en péril le travail important des ONG qui aident le peuple de la République kirghize. Nous exhortons le gouvernement kirghize à protéger la société civile, pierre angulaire de la démocratie », a déclaré le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller.

L’Union européenne a quant à elle qualifié l’adoption de la loi sur les « agents étrangers » d’évolution inquiétante. « La législation restreignant la liberté d’activité des organisations de la société civile pourrait avoir un impact négatif sur la société kirghize et sur sa coopération avec des partenaires internationaux tels que l’Union européenne », a fait savoir la représentation de l’UE au Kirghizstan.

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