La ventilation de méthane et les fuites, deux causes majeures de l’envolée des émissions de gaz à effet de serre au Turkménistan
Le Turkménistan est une grande puissance gazière. À tel point que jusqu’en 2018, les ménages bénéficiaient de gaz et d’électricité gratuits. Mais les forages gaziers du Turkménistan ont une triste réputation dû à leur impact environnemental. En 2022, les champs gaziers turkmènes situés sur le littoral de la mer Caspienne ont généré une quantité impressionnante de gaz à effet de serre. En effet, ces forages ont été responsables de l’émission de 2,6 millions de tonnes de méthane, tandis qu’un champ situé à l’est du pays a libéré 1,8 million de tonnes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cette quantité correspond à un impact atmosphérique équivalent à celui de 366 millions de tonnes de dioxyde de carbone, dépassant ainsi les émissions totales du Royaume-Uni pour la même année. Ces informations ont récemment été révélées par la société française Kayrros, spécialisée dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre à l’aide de l’observation par satellite.
Pourquoi donc ces émissions anormalement élevées dans les champs gaziers turkmènes ? Il est probable que ces émissions s’expliquent par la décision du Turkménistan de passer du torchage du méthane à la ventilation. Le torchage, une technique utilisée sur les champs gaziers et pétroliers pour brûler des gaz indésirables, est de plus en plus décriée ces dernières années en raison des rejets de CO2 qu’elle occasionne. La ventilation, quant à elle, libère simplement dans l’atmosphère du méthane non brûlé. Jusqu’aux développements récents de la technologie satellitaire, la ventilation était difficile à détecter. Mais aujourd’hui il est possible d’affirmer avec certitude que le Turkménistan fait bien recours à la ventilation. Il y a aussi les fuites, chose inévitable étant donné l’état vétuste des infrastructures gazières du pays : Kayrros a calculé que le Turkménistan est à l’origine de 31 des 50 fuites de méthane les plus importantes dans le monde depuis 2019. Et si les émissions de méthane inquiètent autant, c’est parce que ce gaz emprisonne 80 fois plus de chaleur que le CO2 sur 20 ans.
Émission de méthane au Turkménistan : John Kerry s’inquiète
Cependant, les choses semblent bouger… un tout petit peu. Le 29 mai 2023, l’envoyé présidentiel américain pour le changement climatique, John Kerry, a eu un entretien téléphonique avec le président turkmène, Serdar Berdimuhamedov… manifestement, sans avoir pu obtenir d’engagements concrets de la part du gouvernement turkmène pour résoudre le problème des émissions de gaz à effet de serre dans ses champs gaziers. Selon le ministère turkmène des Affaires étrangères turkmène, cet entretien téléphonique n’a été qu’un « échange de points de vue », au cours duquel les deux parties ont discuté des « mesures prises pour consolider les efforts de la communauté internationale dans le domaine de la lutte contre le changement climatique ». Le président turkmène s’est limité à « exposer la vision de son pays » et a déclaré que le Turkménistan était « en train de mettre en œuvre sa stratégie de transition vers une économie verte ». Quant à la « Global Methane Pledge », signée par une centaine de pays lors de la COP26 en 2021, le président turkmène s’est limité à « saluer cette initiative » et « a exprimé son intérêt pour l’examiner, en vue d’évaluer la possibilité pour son pays de la rejoindre ».
L’appel téléphonique de John Kerry semble néanmoins ne pas avoir été totalement infructueux. Quelques jours plus tard, le 2 juin 2023, le Turkménistan a annoncé la création d’une commission interministérielle chargée de réduire ses émissions de méthane.
La COP28, un espoir pour enjoindre la Turkménistan à régler son problème de gaz à effet de serre
Autre lueur d’espoir : la COP28, qui se tiendra aux Émirats arabes unis en décembre 2023. Il faut savoir que les deux États pétroliers entretiennent des liens étroits, et la communauté internationale entend exercer une pression sur les Émirats arabes unis pour dissiper les doutes sur la capacité d’un grand producteur de pétrole et de gaz qu’est ce pays du Golfe à obtenir des résultats solides lors du sommet qu’il organise.
Si cette initiative aboutit, ce sera une étape historique pour le Turkménistan et le monde entier. En effet, le méthane est un gaz à effet de serre 80 fois plus puissant que le dioxyde de carbone sur une période de 20 ans. Par conséquent, mettre fin à ces émissions représente une avancée majeure dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’enjeu est d’autant plus grand que les émissions de méthane ont fortement augmenté depuis 2007, constituant une menace majeure pour le respect de la limite de 1,5 °C de réchauffement mondial fixée par les scientifiques.