L’Ouzbékistan mise sur la Lituanie pour éradiquer la corruption
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La corruption est-elle un mal incurable ou un fléau que l’on peut combattre à coups d’alliances stratégiques ? Quand l’Ouzbékistan choisit la Lituanie pour s’inspirer des meilleures pratiques européennes, c’est tout un tournant qui s’amorce. Reste à savoir si cette coopération tiendra ses promesses.

L’Ouzbékistan s’allie à la Lituanie pour reprendre la main sur la corruption

C’est à Vilnius, capitale lituanienne, que l’Ouzbékistan a posé un jalon inédit dans sa lutte contre la corruption. Le 11 juillet 2025, un mémorandum d’entente a été signé entre l’Agence nationale anticorruption de Tachkent et le Service des enquêtes spéciales de Lituanie. L’objectif ? Tisser une collaboration étroite pour prévenir les dérives, améliorer la transparence administrative, et instaurer une culture de l’éthique publique.

Au-delà des mots, le texte prévoit des actions concrètes : échanges de fonctionnaires, programmes de formation, stages croisés et introduction progressive des standards européens dans les institutions ouzbèkes. Une ambition forte, presque audacieuse, dans un pays encore fragilisé par des décennies d’opacité bureaucratique.

Riga, laboratoire européen de l’anticorruption ouzbèke

Avant même la signature du protocole à Vilnius, c’est à Riga que s’est joué un autre acte important de cette coopération. Du 8 au 12 juillet, une vingtaine de spécialistes ouzbeks ont été invités à participer à une école d’été intensive en Lettonie. Pendant cinq jours, ils ont plongé dans l’univers du « compliance » public, cette discipline qui impose des garde-fous à l’administration.

Au programme : déontologie, prévention des conflits d’intérêts, reddition des comptes, gestion transparente du patrimoine de l’État. Rien de plus, rien de moins que ce qu’exige toute démocratie qui se respecte.

La session s’est achevée par une visite du Bureau letton de prévention et de lutte contre la corruption (KNAB), à Riga, et une immersion dans les mécanismes de contrôle mis en place dans la zone économique spéciale de Liepāja. Des échanges francs, une mise en pratique rigoureuse. Signe d’un basculement ? Possible. Mais ce qui se joue là, c’est surtout une volonté politique de se réinventer.

Une initiative soutenue par l’Europe

Ce projet ne tombe pas du ciel. Il s’inscrit dans le cadre d’un programme plus large piloté par Transparency International Latvia (DELNA), avec l’appui de l’Union européenne, du ministère fédéral allemand de la Coopération économique (BMZ), de l’agence GIZ, et du gouvernement letton à travers son agence centrale des finances. Le titre du projet en dit long : « Pour une gouvernance améliorée en Ouzbékistan – Prévention inclusive de la corruption ».

C’est donc tout un écosystème européen de gouvernance qui se met en branle au profit d’un pays d’Asie centrale bien décidé à tourner la page des pratiques opaques. Krista Asmusa, représentante de DELNA, ne cache pas son optimisme : « L’Ouzbékistan devient un partenaire solide en Asie et un acteur de premier plan dans la lutte contre la corruption ».

Quant à Akmal Burkhanov, directeur de l’Agence anticorruption ouzbèke, il parle d’une plateforme « inestimable pour l’apprentissage, le dialogue et la coopération ».

L’épreuve du réel commence maintenant

Évidemment, ces belles intentions ne suffiront pas à elles seules. À Tachkent comme à Samarcande, c’est désormais dans les bureaux, les appels d’offres, les nominations et les marchés publics que cette réforme devra faire ses preuves. La transparence ne se décrète pas, elle se construit.

Sera-t-il possible de faire accepter à l’administration ouzbèke une culture du contrôle et de la redevabilité ? La greffe européenne prendra-t-elle dans un environnement encore marqué par l’autoritarisme et les habitudes clientélistes ? Tout le défi est là.

Il faudra surveiller, dans les mois à venir, les mesures mises en œuvre : mise en ligne des déclarations de patrimoine, audits internes renforcés, rotation des postes sensibles, contrôles indépendants. Les premiers indicateurs tangibles seront scrutés de près par les bailleurs de fonds européens.

L’Ouzbékistan face à son propre miroir

Ce partenariat avec la Lituanie n’est pas seulement un transfert de compétences. C’est aussi un test pour l’État ouzbek : celui de sa sincérité. Veut-il réellement affronter le système qui nourrit les détournements, ou se contente-t-il d’un vernis réformateur pour plaire aux partenaires occidentaux ?

Le choix de la Lituanie n’est pas anodin. Ce petit pays balte, qui a lutté avec efficacité contre la corruption après la chute de l’Union soviétique, fait figure de modèle régional. Ses agences spécialisées, son arsenal législatif, sa coopération judiciaire européenne : tout y est.

Alors pourquoi pas l’Ouzbékistan ? La réponse ne viendra ni de Bruxelles, ni de Vilnius, mais de Tachkent. Si la volonté est réelle, si la pression populaire s’affirme, si les jeunes générations réclament des comptes, alors ce partenariat pourrait bien faire bouger les lignes.

Par Païsiy Ukhanov
Le 07/19/2025

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