Accord de Paris : l’Ouzbékistan se lance dans le commerce mondial des crédits carbone
crédits carbone

Le 10 juillet 2025, le président de la République d’Ouzbékistan a signé un décret présidentiel qui pourrait bien modifier les équilibres de la diplomatie climatique. En autorisant l’échange international de crédits carbone, le pays s’ouvre les portes d’un marché mondial où l’air pur se monnaie, tonne pour tonne.

Crédits carbone : l’Ouzbékistan sort de l’ombre

Personne ne s’y attendait vraiment. Tandis que les grandes puissances peinent à réduire leurs émissions, l’Ouzbékistan avance à pas calculés vers un mécanisme de marché du carbone basé sur l’article 6 de l’Accord de Paris. Derrière l’acronyme ITMO (Internationally Transferred Mitigation Outcomes), se cache une idée simple : permettre à un État d’acheter les réductions d’émissions d’un autre pays pour atteindre ses propres objectifs climatiques. Et Tachkent veut vendre.

Concrètement, 80% des crédits générés dans le cadre de projets ouzbeks pourront être vendus à l’international. Les 20 % restants ? Gardés en réserve pour éviter le fameux « overselling », mais surtout pour que l’État puisse honorer ses propres engagements environnementaux. Un subtil équilibre entre marché et souveraineté climatique.

Une stratégie bien huilée, un calendrier serré

Pas question de se lancer tête baissée. L’Ouzbékistan prévoit de mettre en place d’ici 2026 un registre national des crédits carbone, entièrement digitalisé. Il recensera l’ensemble des transactions, des volumes échangés jusqu’aux identités des acheteurs.

Le chantier est piloté par le ministère de l’Économie et des Finances, en collaboration avec celui de l’Écologie, et sous la supervision d’un conseil interinstitutionnel dédié à l’économie verte. Ce conseil aura la lourde tâche de fixer les règles du jeu : quels projets seront admissibles, quels seuils devront être atteints, quelles normes respecter pour que le crédit émis soit considéré comme fiable et vendable sur le marché international.

Un groupe d’experts sera aussi mobilisé pour vérifier la conformité et la rigueur des projets. Objectif : éviter les fausses réductions et garantir une « intégrité environnementale », condition sine qua non pour que les unités soient reconnues dans les places carbone mondiales.

Des chiffres, des tonnes, des dollars

En coulisses, les institutions internationales n’ont pas attendu pour donner un coup de pouce. La Banque mondiale a alloué 46,25 millions de dollars pour soutenir les premières initiatives ouzbèkes. En juin 2024, elle a versé un nouveau chèque de 7,5 millions après avoir validé la réduction effective de 500 000 tonnes de CO₂ par le pays.

Selon les projections du projet iCRAFT, le pays pourrait abattre jusqu’à 60 millions de tonnes de CO₂ d’ici à 2028. Sur cette masse, environ 2 à 2,5 millions de tonnes seraient directement rachetées par la Banque mondiale. Le reste ? Libre à la vente. Des tonnes de CO₂ prêtes à être échangées contre des devises fortes.

Une ambition climatique sur fond de réalités économiques

Derrière l’altruisme apparent, une évidence : l’Ouzbékistan ne fait pas que sauver la planète, il compte surtout en tirer profit. Avec une économie encore largement dépendante de l’énergie fossile, le pays vise une réduction de 35% de son intensité carbone d’ici 2030. Une mutation verte, certes, mais calculée, financée, exportée.à

Et le pari pourrait s’avérer payant. Alors que 36 systèmes d’échange de quotas d’émission sont déjà en place à travers le monde, couvrant 18% des émissions mondiales, le pays se positionne à temps. Il ne sera ni pionnier ni retardataire, mais pragmatique. Et en matière climatique, c’est souvent la meilleure posture.

Par Rodion Zolkin
Le 07/13/2025

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