Le 11 juillet 2025, le président de l’Ouzbékistan a signé une loi qui pourrait redessiner la géographie sociale du pays. À partir du 12 octobre 2025, tous les citoyens de l’Ouzbékistan pourront vivre à Tachkent librement. L’une des dernières reliques administratives de l’ère soviétique, le système de « propiska », est sur le point d’être démantelée.
Fin d’un privilège, début d’une liberté
Pendant des années, en Ouzbékistan, obtenir le droit de vivre à Tachkent relevait du parcours d’obstacles. Derrière ce mot étrange, « propiska », se cachait un système d’enregistrement qui, depuis l’époque soviétique, conditionnait l’accès au logement, à l’emploi, à l’école, voire à certains soins.
En théorie, il s’agissait simplement d’un enregistrement de domicile. En pratique, c’était une barrière sociale. Dans la capitale ouzbèke, seules douze catégories de citoyens étaient habilitées à s’y établir de manière permanente. Les heureux élus ? Des propriétaires de logement, des fonctionnaires nommés par le pouvoir central ou encore des enfants recueillis par des familles locales. Les autres restaient à la porte.
Un nouveau modèle déclaratif
Cette époque touche à sa fin. La nouvelle loi adoptée à l’automne 2024, validée par le Sénat en janvier, et promulguée le 11 juillet 2025, prévoit la disparition de cette logique sélective. À partir du 12 octobre 2025, tout citoyen ouzbek, mais aussi les résidents étrangers ou apatrides, pourront s’installer dans la capitale librement.
En matière d’«enregistrement» (le terme venu remplacer la « propiska » soviétique), l’Ouzbékistan acte ainsi le basculement vers un modèkle déclaratif. Il suffira désormais d’informer les autorités de son adresse dans les dix jours ouvrés suivant l’emménagement. Et cette déclaration pourra se faire en ligne, via le portail my.gov.uz, ou en personne dans les centres de services publics. Un portail spécifique, E-xabar berish, a été conçu pour fluidifier ces démarches. Ce basculement n’est pas une surprise. Dès mai 2023, un décret présidentiel avait annoncé la couleur, dénonçant une restriction « contraire au droit constitutionnel à la libre circulation ».
Moins de contrôle, plus d’équité
Pour les autorités, cette réforme vise à faciliter la mobilité interne, mais aussi à moderniser l’administration. Le traitement des demandes ne devra pas excéder une journée, et les justificatifs demandés se veulent allégés : un accord écrit du propriétaire, un document d’identité. Et pour les enfants, un acte de naissance tout simplement.
Même les enfants mineurs pourront être enregistrés sans difficulté s’ils résident chez l’un des parents. En cas de location, si le bail est enregistré auprès de l’administration fiscale, le consentement du propriétaire ne sera même plus nécessaire.
Une mesure symbolique à haute portée politique
Au-delà de la simplification bureaucratique, c’est une logique de contrôle social qui est remise en cause. Depuis des décennies, le système de la « propiska » permettait aux autorités de réguler qui avait le droit de monter à la capitale. Un outil de sélection par le statut, par le mérite ou, plus cyniquement, par la proximité avec le pouvoir. En abolissant cette barrière, le gouvernement envoie un message fort : Tachkent n’est plus une forteresse. La capitale se démocratise… au moins sur le papier.