Corruption : bientôt des tests de loyauté pour les fonctionnaires ouzbeks
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Le 19 juin 2025, le président de l’Ouzbékistan, Shavkat Mirziyoyev, a signé un décret instituant une batterie de tests destinés à mesurer la résistance des fonctionnaires à la corruption. Cette initiative sans précédent, désormais baptisée « vaccin d’intégrité », introduit une approche radicale dans l’administration ouzbèke, dans un pays où les dérives clientélistes et les arrangements opaques ont longtemps été la norme.

Le test de résistance à la corruption : une première en Ouzbékistan

Jusqu’où un haut fonctionnaire est-il prêt à aller pour rester intègre ? L’Ouzbékistan entend répondre concrètement à cette question. Dans le cadre de la Stratégie gouvernementale 2025, une disposition particulière – la mesure n°81 – prévoit de soumettre 500 agents de l’administration à un test d’évaluation de leur propension à la corruption. Cette mesure vise à  former chez les fonctionnaires une attitude intransigeante face à la corruption, leur inculquer un « vaccin d’honnêteté » et implanter des mécanismes préventifs. Le Centre d’évaluation des cadres dirigeants, sous l’égide de l’Agence de lutte contre la corruption, pilotera cette opération.

Mais derrière les intentions affichées se cache un arsenal technique plus subtil : évaluations psychologiques, scénarios simulés de corruption, analyse du comportement financier des agents publics. Ces outils s’inspirent de méthodes déjà utilisées dans certains États européens ou asiatiques.

Digitalisation et transparence : l’arme numérique contre les abus

L’un des leviers essentiels de ce programme repose sur la plateforme électronique Xizmat safari, intégrée dans le système hrm.argos.uz. À compter du 1er octobre 2025, toutes les missions officielles – internes comme internationales – des agents publics devront y être déclarées et tracées.

Ce module permettra une surveillance détaillée : itinéraire, objectifs, dépenses, nombre d’agents concernés. Et surtout, chaque retour de mission devra être justifié par un rapport individuel, permettant d’évaluer l’utilité réelle de chaque déplacement. C’est une petite révolution dans une administration encore marquée par l’opacité budgétaire. À l’issue d’un voyage d’affaires à l’étranger, les fonctionnaires seront tenus de soumettre un rapport sur la base duquel l’efficacité du voyage sera déterminée. Autrement dit, plus de voyages diplomatiques au soleil sans comptes à rendre.

Corruption et pouvoir : la bataille politique se déplace sur le terrain des élites

Ce virage stratégique ne concerne pas uniquement les fonctionnaires en poste. Il cible également les candidats aux postes de hokim (gouverneurs ou maires) et les aspirants ministres, désormais tenus de présenter un plan de lutte anticorruption devant le Parlement ou les assemblées locales avant toute nomination.

Une exigence formelle ? Pas seulement. En mars 2025, Shavkat Mirziyoyev avait exigé une évaluation globale des mesures déjà entreprises contre la corruption, et réclamé une feuille de route explicite pour l’avenir. L’enjeu : ancrer l’exemplarité dans la gouvernance et éviter que les dispositifs ne restent lettre morte.

Cette offensive politique s’accompagne d’un cadrage institutionnel renforcé : l’Agence de lutte contre la corruption, créée en 2020, rend directement compte au président et au Parlement, un statut qui reflète son rôle stratégique. Quant à la société civile, elle reste pour l’instant en retrait, bien que le think tank Transparency Uzbekistan, enregistré en 2021, soit mentionné dans plusieurs textes, sans que ses résultats ne soient disponibles publiquement.

Quand la prévention devient injonction : vers un État moral ?

Dans ce climat de réformes, une question cruciale persiste : ce test d’« intégrité » peut-il réellement freiner un phénomène systémique ancré dans la culture politique locale ? Le pari est audacieux. La rhétorique du « vaccin de la probité » sonne comme un slogan politique, mais les moyens déployés sont concrets. Ils marquent une rupture nette avec la culture du silence.

Les tests psychologiques, les simulations, la transparence numérique… autant d’outils qui, s’ils sont appliqués sans concession, pourraient faire trembler les fondations d’un certain pouvoir administratif. Mais cela suppose que les résultats ne soient pas manipulés, que les données soient rendues publiques, que les contrevenants soient sanctionnés.
Des tests pour les fonctionnaires, un examen pour le pouvoir

L’Ouzbékistan veut montrer qu’il a changé de logiciel. Il met ses élites à l’épreuve, au sens propre. À présent, les outils sont en place : plateformes électroniques, suivi des missions, évaluation des risques, plans stratégiques pour chaque cadre dirigeant. Reste à savoir si l’intégrité peut vraiment se tester – et si les résultats de ces tests seront appliqués aux sommets de l’État, et pas seulement aux échelons intermédiaires.

Par Païsiy Ukhanov
Le 06/20/2025

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