La société Dodo Pizza, enseigne majeure de restauration rapide d’origine russe, a annoncé avoir transféré son siège social des îles Vierges britanniques vers le Kazakhstan. Ce déménagement s’inscrit dans une dynamique plus large de redéploiement régional, amorcée depuis le début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine en février 2022.
Astana, nouveau centre névralgique de Dodo Pizza
En devenant officiellement une entreprise kazakhstanaise, Dodo Pizza rejoint la juridiction du Centre financier international d’Astana, un hub fiscal et réglementaire conçu pour attirer les grandes sociétés étrangères. Ce transfert administratif marque une rupture stratégique : « Nous avons démarré comme une entreprise russe, mais aujourd’hui, nous sommes une entreprise internationale avec des racines kazakhstanaises solides », a déclaré Dmitri Soloviov, PDG de Dodo Brands, dans une interview publiée par Digital Business le 13 juin 2025.
L’environnement commercial du Centre financier international d’Astana, à la fois stable et conforme aux standards occidentaux, a clairement pesé dans la décision. La redomiciliation offre également une meilleure lisibilité juridique pour les investisseurs étrangers.
En se domiciliant au Kazakhstan, Dodo accède à de nombreux avantages
Le choix du Kazakhstan ne doit rien au hasard. Avec plus de 114 points de vente et un chiffre d’affaires dépassant le milliard de dollars (environ 935 millions d’euros) en 2024, le pays représente désormais un quart des revenus de Dodo Pizza. Le groupe prévoit même une croissance annuelle de 40% sur ce marché. Selon BES Media, le PDG évoque « une implantation locale si forte que le siège naturel ne pouvait être ailleurs ».
En février 2025 déjà, Kursiv Media révélait que Dodo Pizza avait surpassé KFC au sein du marché kazakhstanais du fast-food, grâce à une croissance annuelle de 52%, un chiffre d’affaires de 46 milliards de tenges (environ 92 millions d’euros) et l’ouverture de vingt nouveaux établissements sur l’année.
Le Kazakhstan, nouveau refuge pour les entreprises russes ?
Dodo Pizza n’est pas un cas isolé. Depuis 2022, plusieurs entreprises russes ont relocalisé leur siège ou renforcé leur présence au Kazakhstan. Ce mouvement s’explique par un environnement familier (dont l’usage de la langue russe), un accès facilité aux marchés d’Asie centrale et d’un éloignement juridique des sanctions occidentales. Le pays devient ainsi un hub pour les marques qui cherchent à s’affranchir de leur ancrage russe sans renoncer aux marchés post-soviétiques.
Bien que les autorités kazakhstanaises ne publient pas de chiffres consolidés, plusieurs analystes citent les exemples d’Alfa Bank Kazakhstan ou Wildberries, qui ont récemment modifié leur structure juridique ou réorganisé leurs activités autour d’Astana et Almaty.
Un signal fort pour l’économie régionale
Le cas Dodo Pizza illustre une tendance croissante : celle d’une Eurasie en recomposition, où le Kazakhstan s’impose comme un pôle de stabilité réglementaire, fiscale et économique. Le Centre financier international d’Astana, pierre angulaire de cette stratégie, entend d’ailleurs doubler le nombre de sociétés internationales domiciliées sur son territoire d’ici fin 2026.
Selon Fakti.bg, le groupe Dodo compte désormais 33 établissements supplémentaires au Tadjikistan, Kirghizistan et Ouzbékistan, consolidant ainsi sa position de leader en Asie centrale. L’effet d’entraînement est déjà visible sur les concurrents, à commencer par KFC ou Burger King, qui redoublent d’efforts pour maintenir leur part de marché.
Une stratégie offensive à l’international
En s’implantant à Astana, Dodo Brands n’abandonne pas son ambition mondiale. Le changement de juridiction vise aussi à rassurer les investisseurs anglo-saxons et asiatiques, tout en facilitant les levées de fonds hors de la sphère russe. Le groupe, qui combine ses activités sous les marques Dodo Pizza, Drinkit (cafés) et Doner 42 (restauration turque rapide), prévoit une entrée en Bourse d’ici fin 2026.
À court terme, l’objectif reste d’asseoir sa suprématie en Asie centrale. Mais à moyen terme, la redomiciliation pourrait bien être le tremplin d’une expansion plus large, notamment vers l’Europe de l’Est, le Golfe et l’Asie du Sud-Est.