Le 9 juin 2025, le gouvernement kazakhstanais a officialisé un partenariat stratégique avec Kazakhtelecom pour connecter la quasi-totalité de ses zones rurales à Internet. Derrière l’annonce, une ambition affichée : faire du numérique le levier de la réduction des inégalités territoriales. Mais faut-il s’enthousiasmer trop vite ?
Internet par fibre : priorité aux centres vitaux des campagnes kazakhstanaises
C’est une course contre le temps qui s’ouvre : 88% des quelque 3.000 villages ciblés seront reliés à la fibre optique d’ici fin 2026. Les infrastructures ne sont pas déployées au hasard. Sont concernés en priorité les écoles, centres de santé, mairies, bâtiments publics, points d’accès communautaires et plus de 40 postes-frontières. Objectif ? Créer des foyers de connectivité au cœur de chaque territoire.
Ce chantier, mené tambour battant, s’appuie sur le réseau existant de Kazakhtelecom, étendu à la campagne. C’est aussi un catalyseur pour renforcer la connectivité mobile : en connectant les stations de base rurales à la fibre, le gouvernement espère offrir un réseau 4G, voire 5G, d’une stabilité inédite hors des villes.
Quand le satellite vient combler le vide des steppes
Reste les 12% restants. Soit plus de 350 villages si isolés que même la fibre renonce à les atteindre. Pour eux, le salut viendra d’en haut : les liaisons satellitaires prendront le relais d’ici 2027. Le gouvernement a signé des accords avec des géants comme Hughes Network Systems, renforçant la couverture jusque dans les recoins les plus inaccessibles des steppes du Kazakhstan.
Cette approche hybride, fibre-satellite, permet de viser une couverture de 99% des villages d’ici deux ans. Ambitieux ? Clairement. Illusoire ? C’est toute la question.
Un investissement hors budget de 517 millions d’euros
Le financement ne pèsera pas sur le budget national : 239 milliards de tenges (environ 517 millions d’euros) sont injectés exclusivement par des acteurs privés, au premier rang desquels figure Kazakhtelecom. Ces fonds seront dédiés à la pose de fibre, à l’installation de relais satellite et à l’amélioration des infrastructures existantes.
Ce modèle sans subvention directe soulève des questions. Qui contrôlera la qualité du service ? L’abonnement sera-t-il financièrement accessible pour les ménages ruraux ? L’État promet une gouvernance transparente, mais les détails restent flous.
Un projet politique habillé en mission numérique
Le projet ne se limite pas à des chiffres ou à des câbles enterrés. Il véhicule une vision politique. Le ministre du Développement numérique, Zhaslan Madiev, le martèle : « Nous […] intégrons les villages dans l’écosystème numérique du pays […] pour un accès égal à l’éducation, à la santé, aux services publics ».
Même tonalité chez Bagdat Musin, président du conseil d’administration de Kazakhtelecom : « L’accès à Internet […] est devenu une nécessité de base reconnue au niveau international, y compris par l’ONU et notre président ». La rhétorique est claire : ce n’est pas une lubie technocratique, c’est une opération de justice sociale.
Entre promesse d’un futur connecté et risque d’illusion technologique
Mais à quoi ressemblera concrètement ce Kazakhstan rural hyperconnecté ? L’initiative prévoit certes un déploiement massif, mais encore faut-il que les connexions soient stables, accessibles financièrement et accompagnées d’un plan de formation numérique. Sinon, ce réseau risque de devenir une coquille vide. Reste à espérer que ce soit l’inverse : que cette infrastructure nouvelle devienne le levier de transformation des campagnes – pour un accès à l’enseignement à distance, aux soins en ligne, aux démarches administratives numériques, voire à l’e-commerce agricole.