Le 2 juin 2025, un vent nouveau a soufflé sur Tachkent. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) – principal réseau mondial dédié à la préservation des écosystèmes – a inauguré en grande pompe son bureau régional pour l’Asie centrale, hébergé dans l’enceinte de la Green University, la première université environnementale de la région.
Il ne s’agit pas d’un simple transfert d’adresse. L’UICN, forte de ses 1.400 membres à travers le monde, marque ici une volonté géopolitique claire : renforcer sa présence là où la biodiversité recule, où les terres se désertifient, et où le climat, chaque année plus instable, fracture les équilibres anciens. Dr Grethel Aguilar, Directrice générale de l’UICN, n’a pas mâché ses mots : « Ce bureau marque plus qu’une simple présence physique ; il reflète notre engagement à travailler côte à côte avec les gouvernements et les peuples d’Asie centrale pour obtenir un impact durable pour l’humanité et la nature ».
Un hub régional au cœur des enjeux climatiques d’Asie centrale
Pourquoi l’Ouzbékistan ? Pourquoi maintenant ? La réponse tient à une combinaison de facteurs écologiques et politiques. Depuis son adhésion à l’UICN en 2021, Tachkent n’a cessé de multiplier les signaux d’ouverture vers la coopération environnementale internationale. La déclaration de 2025 comme Année de la protection de l’environnement et de l’économie verte n’a fait que confirmer cette orientation stratégique.
Le choix de la Green University pour accueillir le nouveau bureau n’est pas anodin. Ce campus, dédié à la recherche climatique, doit devenir une courroie de transmission entre scientifiques, politiques et jeunes générations. Aziz Abdukhakimov, ministre ouzbek de l’Écologie, l’affirme sans détour : « Il servira de centre pour l’action conjointe, le partage des connaissances et le renforcement des capacités dans les cinq pays d’Asie centrale ».
L’enjeu est de taille. De la fonte des glaciers au Tadjikistan aux sécheresses cycliques au Turkménistan, la région paie le prix fort d’une crise environnementale aux multiples visages. Avec ce bureau, l’UICN entend coordonner une riposte collective en mobilisant ses outils de référence : la Liste rouge des espèces menacées™, la Norme mondiale pour les solutions fondées sur la nature™, ou encore la Liste verte des aires protégées.
De la parole aux actes : projets concrets et ambitions affichées
Sous la houlette de Dmitry Gorshkov, coordinateur régional fraîchement nommé, le bureau de Tachkent a déjà ses priorités. À commencer par l’intégration régionale à des projets phares comme :
- Blue Peace Central Asia 2.0, centré sur la coopération transfrontalière autour de la gestion de l’eau
- One Health, qui relie santé humaine et préservation des écosystèmes dans les stratégies de développement
- DSL-IP au Kazakhstan, visant la restauration des steppes arides et l’amélioration de la gestion des pâturages
- FOLUR en Ouzbékistan, un projet qui lie usages agricoles durables et restauration des zones naturelles.
Mais la mission va bien au-delà de la technique. Il s’agit, selon les mots du Premier ministre ouzbek Abdulla Aripov, de « nouer des liens étroits avec la recherche, attirer les jeunes talents, et certifier nos aires protégées selon les standards internationaux ».
Cette coopération passe également par la cartographie fine de la biodiversité régionale, le déploiement de solutions fondées sur la nature et la participation active de l’Ouzbékistan aux grands forums environnementaux internationaux.
Une région stratégique pour l’Union internationale pour la conservation de la nature
Le signal est clair : l’Asie centrale devient un théâtre majeur pour l’action de l’UICN. L’ouverture de ce bureau est plus qu’un symbole. C’est une affirmation de présence, une démonstration d’ancrage sur un territoire en pleine mutation, encore trop souvent à la marge des grands flux de la diplomatie climatique.
À l’heure où les négociations mondiales peinent à enrayer l’érosion de la biodiversité, l’organisation mise sur un travail de terrain, avec un accent sur la co-construction des politiques environnementales, l’appui aux réformes nationales et le partage de compétences.
Comme l’a rappelé Grethel Aguilar, « l’Ouzbékistan a réalisé des progrès notables en matière de protection de l’environnement, de biodiversité, de lutte contre le changement climatique et de coopération internationale depuis son adhésion à l’UICN ». Pour l’organisation, c’est un partenaire stratégique. Pour la région, une chance à saisir.
Un avenir vert… mais sous conditions
À quoi ressemblera l’empreinte réelle de l’UICN dans cinq ans ? Tout dépendra de la capacité de son bureau de Tachkent à agir au-delà des séminaires, à influencer les politiques publiques et à mobiliser des ressources financières conséquentes. Dans un contexte régional souvent marqué par les tensions autour de l’eau, des terres ou des frontières, la conservation ne sera jamais neutre.
Mais une chose est certaine : l’Asie centrale n’est plus un désert blanc sur la carte de la conservation mondiale.