Transformation urbaine à Tachkent : entre modernisation et effacement historique
Transformation urbaine à Tachkent : entre modernisation et effacement historique

Le 25 avril 2025, un constat glaçant tombe : près de la moitié de Tachkent sera irrémédiablement transformée dans les deux prochaines décennies. L’étude « IQ Tashkent 25. Dynamique de développement urbain 1930-2025 », pilotée par le cabinet CMWP Uzbekistan et l’agence Atlas Global, dévoile une vision brutale et inévitable de l’avenir de la capitale de l’Ouzbékistan. Que réserve réellement cet ambitieux programme d’aménagement urbain à Tachkent ?

Tachkent : quand la reconstruction devient nécessité

À Tachkent, l’heure n’est plus aux demi-mesures. Selon l’étude du cabinet CMWP Uzbekistan et de l’agence Atlas Global, « 43 % de la superficie bâtie existante et des infrastructures de la capitale devront être reconstruites » (« IQ Tashkent 25 », CMWP Uzbekistan et Atlas Global, publié sur Spot, le 25 avril 2025). Non, il ne s’agit pas simplement de rafraîchir quelques façades décrépies : il est question d’une chirurgie lourde, impliquant les bâtiments résidentiels, les voiries, les réseaux techniques et même les espaces publics.

La reconstruction, précisent les experts, consistera en « la modernisation des bâtiments, des infrastructures et des nœuds de transport, sans changement total de fonction ». Plus qu’un lifting, c’est une tentative désespérée d’endiguer l’usure d’une ville que l’urbanisation sauvage des dernières décennies a rendue vulnérable.

Mais pourquoi tant d’empressement ? Parce que le spectre du changement climatique guette, et que Tachkent n’a plus le luxe de tergiverser. 85% de son territoire serait aujourd’hui affecté par le phénomène d’îlot de chaleur. À force d’accumuler béton, asphalte et tôle ondulée, la ville est devenue un four urbain. D’où une urgence : verdir, aérer, repenser la matière même de la ville.

Conservation à Tachkent : préserver sans fossiliser

Pour autant, la frénésie de reconstruction ne sera pas totale. L’étude prescrit aussi une conservation d’environ 28% du tissu urbain. Une étrange schizophrénie semble planer : comment moderniser sans trahir l’âme de la ville ? « La conservation vise à maintenir l’usage actuel sans nouvelles constructions, tout en améliorant l’environnement et la résilience ». Mais quelle « amélioration » peut-on réellement espérer dans des quartiers dont les équipements collectifs datent pour certains des années 1970 ? Un simple replâtrage suffira-t-il à transformer l’urbanité fatiguée en oasis moderne ?

À travers cette conservation, Tachkent tente de ménager la chèvre et le chou : afficher sa modernité tout en prétendant respecter l’héritage soviétique. La crédibilité de cette ambition sera jaugée dans la durée.

Rénovation urbaine à Tachkent : détruire pour mieux renaître ?

Le troisième axe, bien plus radical, concerne la rénovation pure et simple de 15% du territoire urbain. Ici, pas de faux-semblants : il s’agira de « démolir entièrement les zones industrielles obsolètes, les quartiers vétustes et de reconstruire ex nihilo ».

Rénovation massive ou effacement historique ? Tachkent s’apprête à voir disparaître sous les pelleteuses des pans entiers de son passé, remplacés par des complexes résidentiels étincelants et des bureaux high-tech. À la clef, la promesse de « nouveaux quartiers énergétiquement efficaces et plus résilients face aux défis climatiques ».

Mais derrière cet horizon resplendissant se cache une question corrosive : à qui profitera cette mue ? Aux habitants délogés ? Aux promoteurs avides ? Ou aux rares riverains assez fortunés pour survivre à la flambée immobilière ? À Tachkent, comme ailleurs, l’aménagement urbain est aussi un champ de bataille social.

Une lutte contre la chaleur… et contre l’inertie

Car au-delà du béton et de l’acier, l’étude pointe un défi vital : briser l’emprise de la chaleur. Face à un climat déréglé, la capitale ouzbèke devra se métamorphoser en îlot vert. Les propositions avancées oscillent entre le réalisme technique et l’utopie écologique : « intensifier la végétalisation avec la plantation d’arbres à large canopée, utiliser des revêtements clairs, protéger les sols nus de l’érosion ».

Tachkent rêve d’ombre et de fraîcheur. Mais planter quelques érables suffira-t-il à refroidir une mégapole embrasée par des décennies de mauvaise planification ? Sans une véritable révolution des mentalités urbaines, le verdissement pourrait bien rester un simple argument marketing.

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