Le 24 avril 2025, le Kazakhstan a confirmé un partenariat stratégique avec Alstom, acteur clé de la mobilité ferroviaire, pour renouveler son parc de fret vieillissant. L’accord, négocié de longue date, prévoit la livraison de 205 locomotives électriques produites localement. Un projet à plusieurs milliards d’euros qui redessine les ambitions industrielles du pays.
Alstom s’enracine dans le Kazakhstan ferroviaire
Alstom n’est pas un invité surprise dans le paysage industriel kazakhstanais. Depuis 2010, le constructeur français y a multiplié les implantations et les livraisons, capitalisant sur une coopération croissante avec la compagnie ferroviaire nationale Kazakhstan Temir Zholy (KTZ). L’usine Electrovoz Kurastyru Zauyty (EKZ), située à Astana, est devenue le cœur battant de cette alliance. Résultat : 302 locomotives de fret KZ8A et 119 locomotives passagers KZ4AT sorties de ses chaînes à ce jour, renforçant la souveraineté industrielle du pays et réduisant sa dépendance technologique.
L’accord annoncé en novembre 2024, à Paris, lors de la visite d’État du président Kassym-Jomart Tokaïev, ne fait que renforcer ce lien bilatéral. À cette occasion, les deux parties avaient signé un contrat-cadre pour la production de locomotives de fret de nouvelle génération. Le ministère kazakhstanais des Transports avait alors fait savoir que « la signature de ce contrat vise à renforcer les capacités logistiques du pays en misant sur une technologie moderne et une production locale ».
Un virage industriel chiffré à plusieurs centaines de millions d’euros
Que vaut une locomotive ? Si on additionne les 205 unités commandées, les infrastructures, les formations et le transfert de technologie, la facture dépasse allègrement le milliard d’euros. Ce projet colossal, qui s’étalera sur une décennie, doit permettre à KTZ de remplacer ses antiques modèles VL80 par les KZ6A, des engins puissants capables de tracter des convois de 9.000 tonnes.
Les premières unités seront produites à partir de 2028, pour une livraison progressive jusqu’en 2036. La production reste entre les mains de l’usine EKZ, désormais largement contrôlée par Alstom, après le retrait progressif du partenaire russe Transmashholding.
Lors d’une réunion officielle au ministère des Transports, il a été précisé : « Les participants ont discuté des conditions clés d’un contrat à long terme, notamment la mise en place de conditions mutuellement avantageuses qui seront fixées dans les accords contractuels ».
Le Kazakhstan, nouvelle terre d’exportation pour Alstom ?
Derrière ce contrat se joue un enjeu géopolitique plus vaste. En s’encrant fermement dans la chaîne industrielle kazakhstanaise, Alstom s’ouvre potentiellement les portes de tout le corridor eurasiatique. Une base de production à Astana n’offre pas seulement une proximité logistique avec la demande locale : elle place l’entreprise en pole position pour répondre aux appels d’offres régionaux, notamment en Asie centrale, voire en Iran ou en Chine occidentale.
En s’implantant durablement dans un pays riche en ressources et stratégique pour les nouvelles routes de la soie, Alstom prend donc de vitesse ses concurrents et s’assure un avenir au-delà des frontières de l’Union européenne.
Entre modernisation nationale et ambitions transcontinentales
Le projet n’est pas une simple mise à niveau technique. Il incarne la volonté du Kazakhstan de faire du rail un levier de puissance logistique. Les locomotives KZ6A, assemblées sur place, symbolisent cette stratégie de long terme. Il ne s’agit pas seulement d’acheter du matériel roulant, mais de transformer un acteur public de transport en moteur industriel national.
Le calendrier est clair : conception en 2027, lancement de la production en 2028, premières livraisons en 2029. Et d’ici à 2036, le paysage ferroviaire kazakhstanais devrait être méconnaissable.