Glaciers : quand le Tadjikistan défie l’oubli climatique
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Quand les cimes éternelles fondent dans l’indifférence générale, certains pays haussent le ton. En Asie centrale, un État enclavé décide de prendre à bras-le-corps une catastrophe silencieuse : la disparition de ses glaciers. Mais cette alerte lancée dans le désert numérique sera-t-elle entendue au-delà des hashtags ?

Un cri d’alerte numérique pour les glaciers

Le Tadjikistan a officiellement lancé une campagne numérique ambitieuse baptisée « Mois de la préservation des glaciers », quelques semaines avant une conférence internationale de haut niveau prévue à Douchanbé fin mai 2025. Cette mobilisation, centrée autour des réseaux sociaux, vise à sensibiliser l’opinion publique mondiale à un drame environnemental peu médiatisé mais gravissime : la fonte accélérée des glaciers, véritable bombe à retardement pour l’Asie centrale.

Le Tadjikistan, pays à 93% montagneux, voit disparaître ses glaciers à un rythme alarmant. En un siècle, environ 30% de ses masses glaciaires se sont évanouies dans le réchauffement climatique. Le plus imposant d’entre eux, le glacier Fedtchenko, a perdu 44 km² et reculé d’un kilomètre. Face à cette hémorragie silencieuse, Douchanbé n’a pas opté pour l’inaction. Le 21 mars, le gouvernement a lancé un défi créatif sur Instagram : le « Glaciers Challenge ». À la clé : visibilité, certificats et prix pour les meilleures participations. La mécanique est simple, presque candide : publier une photo ou une vidéo inspirée avec les hashtags #Glaciers2025Month et #GlaciersChallenge, inviter trois amis à faire de même, et espérer une onde virale salvatrice.

Mais derrière ce jeu de rôle numérique, le message est glaçant. Comme l’a souligné Tatiana Evstifeeva, représentante de la Banque asiatique de développement (BAD), « le recul des glaciers menace directement les vies de plus de deux milliards de personnes tributaires des systèmes fluviaux qu’ils alimentent ». Dans un monde saturé d’images éphémères, le Tadjikistan espère frapper plus fort : alerter, mobiliser et fédérer autour d’un enjeu vital.

Les glaciers, nerf vital d’une région oubliée

Le sort des glaciers en Asie centrale n’est pas seulement une tragédie écologique, c’est un problème géopolitique sous-estimé. Le Kirghizstan, voisin immédiat, voit lui aussi ses ressources en eau douce fondre à vue d’œil. Les zones rurales sont les premières touchées, où pénurie d’eau rime déjà avec insécurité alimentaire et exode. Quant au Kazakhstan, il hérite en aval des dérèglements en amont, avec des conséquences sévères sur l’irrigation de ses plaines agricoles.

En réponse, l’UNESCO et d’autres institutions internationales intensifient la coopération scientifique dans la région. Une dynamique nécessaire mais tardive. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 20% et 30% des glaciers de la région ont disparu en cinquante ans, selon l’UNESCO. Les modèles hydriques sont bouleversés, les écosystèmes fragilisés, les tensions montent. L’eau devient une denrée de plus en plus convoitée.

glaciers

L’Asie centrale, sentinelle du climat mondial ?

Derrière cette initiative locale se cache une offensive diplomatique majeure. Sous l’impulsion du président Emomali Rahmon, le Tadjikistan a obtenu de l’ONU la proclamation de l’année 2025 comme Année internationale de la préservation des glaciers, ainsi que la création d’une Journée mondiale des glaciers fixée au 21 mars. Il ne s’agit plus de simples symboles. En ligne de mire : un fonds international pour la protection des glaciers et un début de décennie d’actions scientifiques, de 2025 à 2034.

Douchanbé a même fédéré autour de sa cause un aréopage hétéroclite, de la France à l’Argentine, en passant par une « Groupe des amis des glaciers » au nom évocateur. Mais la diplomatie verte suffit-elle face à l’urgence physique ? Pour l’instant, le financement reste en suspens : la BAD prévoit jusqu’à 3,5 milliards de dollars d’investissement dans la région, mais encore faut-il passer des annonces aux actes.

Le temps des symboles est révolu

À quoi bon une photo Instagram sur fond de glace fondue, quand les politiques publiques peinent à refroidir les bilans carbone ? Cette campagne inédite du Tadjikistan a le mérite d’exister, mais elle ne remplacera ni les barrages repensés, ni l’irrigation durable, ni la coopération transfrontalière sur l’eau. En Asie centrale, la neige éternelle n’est plus qu’un souvenir saisonnier, et l’indifférence, elle, reste pérenne.

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