Alors que le Kazakhstan affichait depuis deux décennies une image stable et attractive, l’année 2024 a marqué un tournant brutal. Les flux sortants des investissements directs étrangers (IDE) ont surpassé les flux entrants, un fait inédit depuis 2005. Mais derrière cette chute se cache une transformation profonde du modèle économique du pays, à la croisée des tensions mondiales et des choix politiques internes.
Une baisse des investissements directs étrangers plus structurelle que conjoncturelle
Le 7 avril 2025, l’agence publique kazakhstanaise Kazakh Invest a publié une évaluation inédite de l’évolution dans le pays. En 2024, le Kazakhstan a enregistré une chute de 28 % de ses investissements directs étrangers (IDE) bruts : ils sont passés de 23,9 milliards à 17,1 milliards de dollars, tandis que le flux net est devenu négatif à hauteur de -2,55 milliards de dollars. Un signal inquiétant ? Pas forcément, selon Kazakh Invest, qui y voit un repli temporaire, dans un contexte mondial tendu. À l’échelle mondiale, ONU Commerce et Développement a constaté une baisse de 8% des IDE, avec une contraction de 29% pour la Chine et de 7% pour l’Asie dans son ensemble.
Mais cette conjoncture mondiale n’explique pas tout. Le secteur extractif, historiquement surreprésenté dans l’économie kazakhe, a vu la fin de son cycle d’investissements majeurs. Le projet d’expansion du gisement de Tengiz, qui représentait une manne colossale, s’est achevé. Résultat : le secteur minier, qui représentait 38% des IDE en 2024, n’alimente plus autant les statistiques.
Par ailleurs, les réinvestissements des entreprises étrangères ont chuté de 7,1 milliards de dollars, conséquence probable d’un repli sur les dividendes en période de faible rendement. Kazakh Invest l’admet : il s’agit du libre choix des actionnaires et non d’un retrait de confiance.
Le Kazakhstan, toujours attractif pour les investissements directs étrangers de qualité
Malgré les chiffres globaux en recul, le Kazakhstan continue de séduire sur des projets à haute valeur ajoutée. Selon EY, le pays a capté 16,3 milliards de dollars entre janvier et octobre 2024, avec 49 nouveaux projets et plus de 17.800 emplois créés. Les secteurs privilégiés ? L’énergie, la logistique, la métallurgie et les énergies renouvelables.
En parallèle, la part des investissements dans le capital fixe a atteint 41,2 milliards de dollars, le plus haut niveau de toute l’Asie centrale. Cela s’explique par un virage stratégique : Kazakh Invest affirme vouloir réduire la dépendance aux matières premières, au profit de secteurs comme la pétrochimie, la transformation agro-industrielle ou encore la chimie verte.
Des projets majeurs illustrent cette dynamique :
– une usine de polyéthylène à 7 milliards de dollars, prévue pour 2029 ;
– un complexe métallurgique de 12 milliards de dollars piloté par East Hope Group ;
– des projets gaziers qatariens et chinois dépassant les 10 milliards ;
– des unités agroalimentaires comme Fufeng Group (1 milliard) ou Singapore Darwin Biotech (150 millions).
Réformes structurelles et climat d’investissement : le pari de la transparence et de l’innovation
Conscient de ses fragilités structurelles, l’État kazakhstanais a engagé des réformes profondes pour renforcer l’attractivité du pays. En 2024, a été lancée la Plateforme numérique nationale d’investissement, permettant un suivi en temps réel des projets, la gestion des réclamations des investisseurs, et une réduction des lourdeurs administratives.
Une nouvelle stratégie régionale adapte les incitations aux spécificités territoriales, tandis que le mécanisme du « corridor vert » facilite l’implantation des projets stratégiques. Des accords-cadres innovants incluent désormais des contreparties contractuelles, notamment dans les zones économiques spéciales.
Le pays reste 39e au classement Global Attractiveness Index et figure parmi les 35 États les moins restrictifs selon l’OCDE (indice de restriction réglementaire pour les IDE).
Un exemple révélateur : le cas PepsiCo dans l’agriculture
Parmi les projets emblématiques, l’installation de PepsiCo dans la région d’Almaty, un projet évalué à 160 millions de dollars, illustre parfaitement le virage qualitatif engagé par le pays. L’entreprise y développe une chaîne de valeur complète intégrée à l’agriculture locale, preuve que l’État ne se contente plus d’attirer des capitaux : il s’attache désormais à orienter ces fonds vers des filières pérennes et créatrices d’emplois.