Le 19 mai dernier, lors du sommet Chine – Asie centrale de Xi’an, le chef de l’Etat chinois a annoncé une série d’investissements et de mesures pour améliorer l’interconnections entre les différents pays de la région et l’Empire du Milieu. Le symbole d’une bascule ?
Le 19 mai dernier, lors d’un sommet diplomatique à Xi’an, dans l’Ouest de la Chine, Xi Jinping a dévoilé un grand plan pour le développement de l’Asie centrale allant de la construction d’infrastructures à la stimulation du commerce, en assumant un nouveau rôle de leadership dans une région qui a traditionnellement été une sphère d’influence russe. La Chine s’est ainsi dite prête à coordonner les stratégies de développement avec le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan.
Une rencontre qui fait partie de l’objectif plus large de la Chine de renforcer les partenariats économiques et politiques avec des pays voisins, pour contrer ce qu’elle considère comme un ordre mondial dominé par les États-Unis.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, le sommet Chine-Asie centrale ayant été programmé à la veille du sommet annuel du Groupe des 7 à Hiroshima, au Japon.
En effet, Xi Jinping cherche depuis de nombreuses années à approfondir l’influence de la Chine en Asie centrale, « La Chine essaie de mettre en avant de plus en plus ces groupes et plateformes où elle est le point central, pas l’Occident » explique dans les colonnes du New York Times Raffaello Pantucci, chercheur principal à l’école S. Rajaratnam d’études internationales à Singapour. « Cela fait partie de l’histoire plus large que la Chine raconte, c’est-à-dire qu’il y a un autre ordre mondial alternatif en Asie. »
Choix symbolique, le sommet s’est justement déroulé à Xi’an, ville du centre de la Chine qui était un arrêt clé sur l’ancienne route commerciale de la soie qui pendant des siècles a relié la Chine à l’Asie centrale et au Moyen-Orient.
Stabiliser la situation au Xinjiang
L’intérêt de la Chine pour l’Asie centrale découle des préoccupations durables concernant les tensions politiques et ethniques dans sa région occidentale du Xinjiang, qui partage justement une frontière avec les pays d’Asie centrale. La Chine voit la prospérité économique dans la région comme un moyen de stabiliser davantage le Xinjiang.
Depuis quelques années, la Chine a investi des milliards de dollars dans les pipelines, les autoroutes et les chemins de fer pour transporter les riches ressources naturelles d’Asie centrale. En effet, de nombreuses villes chinoises dépendent du gaz naturel du Turkménistan et le Kazakhstan possède certains des plus grands champs pétrolifères au monde en-dehors du Moyen-Orient.
En 2013, Xi Jinping avait justement choisi le Kazakhstan comme site du discours où il a exposé sa vision pour son initiative Belt and Road (BRI), pour construire des projets d’infrastructure dans les pays en développement pour les rapprocher de l’orbite de la Chine. Et l’année dernière, le chef d’Etat chinois a visité l’Ouzbékistan et le Kazakhstan pour son premier voyage à l’étranger depuis le début de la pandémie.
Mais les ambitions de Xi Jinping dans la région sont compliquées par sa proximité avec Moscou : l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une ancienne république soviétique a inquiété l’Asie centrale, craignant que les russes puissent en venir là aussi à soutenir des forces séparatistes, voire tenter d’annexer certaines zones de la région anciennement soviétiques.
D’ailleurs, Xi Jinping ne s’y ai pas trompé en déclarant dans son discours que « la souveraineté, la sécurité, l’indépendance et l’intégrité territoriale des pays d’Asie centrale doivent être maintenues ». À ce titre, Theresa Fallon, directrice du Centre for Russia Europe Asia Studies à Bruxelles, estime que la Chine s’engage dans une « danse diplomatique difficile » pour essayer de gagner un avantage auprès des pays d’Asie centrale sans fâcher Vladimir Poutine.
Sécuriser son approvisionnement énergétique
Avec son engagement, la Chine s’est placée à l’avant-garde de la course à l’influence politique et aux actifs énergétiques dans cette région riche en ressources, la Russie étant distraite par sa guerre en Ukraine et le retrait des forces américaines d’Afghanistan diminuant la présence américaine dans la région.
En tant que deuxième plus grand consommateur d’énergie au monde, la Chine a investi des milliards de dollars en Asie centrale pour faciliter l’accès aux réserves de gaz naturel de la région. Enfin, les chemins de fer entre l’Europe et la Chine qui passent par l’Asie centrale sont une partie importante du projet phare d’infrastructure de Pékin, l’Initiative Belt and Road (BRI).
Antony J. Blinken, secrétaire d’État des États-Unis, a également visité le Kazakhstan et l’Ouzbékistan cette année, espérant encourager les pays d’Asie centrale à résister à fournir une aide économique à la Russie face aux sanctions occidentales.