Après quatre années de fermeture, la frontière entre l’Ouzbékistan et l’Afghanistan a rouvert au passage des civils. La reprise du trafic au poste de Termez–Hayraton marque un tournant stratégique pour le commerce transfrontalier, les exportations régionales et la stabilisation économique du nord de l’Afghanistan. Derrière un simple rétablissement de circulation, c’est toute une architecture commerciale qui se remet en mouvement.
Une frontière stratégique relancée au cœur des échanges transfrontaliers
Le 2 décembre 2025, la frontière ouzbèko-afghane a officiellement rouvert au niveau du pont Termez–Hayraton, fermé depuis 2021. Cet axe constitue le principal poste-frontière terrestre entre les deux pays. Le retour des flux civils et logistiques intervient dans un contexte de relance assumée du commerce transfrontalier, encouragée par les autorités ouzbèkes et soutenue par des dispositifs publics inédits.
La frontière entre l’Ouzbékistan et l’Afghanistan ne se limite pas à une ligne administrative. Elle structure depuis des décennies les échanges économiques entre l’Asie centrale et le nord afghan. Avec la réouverture du poste-frontière de Termez–Hayraton, les déplacements civils reprennent officiellement dans les deux sens. Cette décision met fin à quatre années de gel total des circulations. Le pont franchit l’Amou-Daria et relie directement la région de Sourkhan-Daria à la province afghane de Balkh.
Jusqu’à présent, la fermeture de la frontière imposait de longs détours aux acteurs économiques. Pour rejoindre Mazar-i-Charif depuis la zone franche d’Ayrîtom, située près de Termez, les transporteurs devaient transiter par un pays tiers. Ce détour pouvait durer une journée entière. La reprise du trafic réduit donc les coûts logistiques, accélère le commerce transfrontalier et restaure un couloir d’échanges direct entre les deux économies.
D’un point de vue juridique, la réouverture de la frontière ne signifie pas une libéralisation complète. L’obligation de visa reste en vigueur pour les voyageurs. Toutefois, le rétablissement du passage civil marque une rupture nette avec la période d’isolement qui a suivi les événements politiques de 2021 en Afghanistan. Désormais, la frontière retrouve progressivement sa fonction de trait d’union plutôt que de zone de séparation.
Commerce transfrontalier : la frontière comme moteur d’exportations
Le principal enjeu de cette réouverture de frontière réside dans la relance du commerce transfrontalier. Pour les autorités ouzbèkes, l’Afghanistan représente un marché de proximité stratégique, évalué à environ 59 millions de consommateurs. Cette donnée confère à la frontière une valeur économique bien supérieure à sa simple dimension géographique.
Les estimations officielles de la Chambre de commerce ouzbèke avancent un objectif d’exportations atteignant 2,5 milliards de dollars d’ici 2026, ce qui correspond à environ 2,3 milliards d’euros après conversion. Ce chiffre illustre l’ambition clairement affichée des autorités : faire de la frontière un levier majeur de croissance régionale. Le commerce transfrontalier devient ainsi un outil de projection économique pour les entreprises industrielles, agricoles et logistiques d’Ouzbékistan.
Pour soutenir cette dynamique, l’État met en place un dispositif de soutien financier inédit. Les entreprises exportatrices bénéficient de la prise en charge à 100% des frais de location d’entrepôts à Hayraton et à Mazar-i-Charif. À cela s’ajoute le remboursement intégral des coûts de publicité commerciale dans les 34 provinces afghanes. En abaissant drastiquement les barrières financières d’entrée, les autorités transforment la frontière en véritable plateforme d’expansion commerciale.
Dans ce contexte, le poste-frontière de Termez–Hayraton retrouve son rôle de hub logistique régional. Les marchandises ouzbèkes, qu’elles soient agricoles, industrielles ou textiles, peuvent désormais franchir directement la frontière, réduisant les délais, sécurisant les flux et renforçant l’attractivité du commerce transfrontalier.
Poste-frontière, sécurité et stabilité régionale autour de la frontière afghane
Au-delà de l’économie, la frontière joue également un rôle politique et sécuritaire central. Le poste-frontière de Termez–Hayraton est l’un des rares points de contact maîtrisés entre l’Asie centrale et l’Afghanistan. Sa réouverture traduit une volonté claire de stabiliser les échanges plutôt que de les maintenir dans la clandestinité. La reprise des circulations simplifie la logistique régionale et favorise la formalisation des échanges commerciaux.
La frontière redevient ainsi un espace régulé, plutôt qu’un no man’s land propice aux trafics informels. Cette normalisation du commerce transfrontalier permet aussi un meilleur contrôle des flux humains et des marchandises. Pour Tachkent, il s’agit d’un levier pragmatique de sécurité régionale : une frontière active est plus contrôlable qu’une frontière fermée.
Le poste-frontière joue aussi un rôle géopolitique discret mais essentiel. En rouvrant le passage, l’Ouzbékistan confirme sa position d’intermédiaire clé entre l’Afghanistan et le reste de l’Asie centrale. Cette stratégie de diplomatie économique repose directement sur le développement du commerce transfrontalier et sur la transformation de la frontière en outil de stabilité.
Enfin, cette réouverture donne un signal fort aux acteurs privés. La frontière redevient un espace d’opportunités plutôt qu’une barrière. Les entreprises, désormais sécurisées par les garanties publiques, peuvent investir durablement dans les flux commerciaux avec l’Afghanistan sans supporter seules les risques logistiques et financiers.
