L’Ouzbékistan a lancé un programme sans précédent pour former cinq millions de spécialistes en intelligence artificielle. Appuyée par les Émirats arabes unis, cette initiative s’inscrit dans une stratégie économique assumée, où l’intelligence artificielle devient un levier central de souveraineté technologique.
L’intelligence artificielle comme nouveau pilier stratégique de l’Ouzbékistan
Le 28 novembre 2025, à Tachkent, les autorités ouzbèkes ont officiellement lancé le projet « Cinq millions de leaders en intelligence artificielle ». Ce programme national, développé avec le soutien direct des Émirats arabes unis, place l’intelligence artificielle au cœur de la transformation éducative, économique et administrative du pays.
L’ambition affichée est d’une ampleur inédite. D’ici à 2030, le programme doit permettre de former 4,75 millions d’élèves et d’étudiants, 150.000 enseignants et 100.000 fonctionnaires aux usages de l’intelligence artificielle. Ainsi, l’intelligence artificielle s’impose progressivement comme une compétence de base dans l’ensemble de la société ouzbèke.
De plus, ce projet s’inscrit dans la continuité directe de la précédente campagne « Un million de codeurs ouzbeks ». Ce premier programme avait posé les fondations d’un écosystème numérique désormais capable d’absorber un déploiement massif de l’intelligence artificielle. Grâce à cette continuité, les autorités entendent éviter toute rupture pédagogique tout en accélérant la montée en gamme technologique.
Par ailleurs, la dynamique économique vient soutenir cette stratégie. La part de l’économie numérique dans le produit intérieur brut a doublé en quelques années. Les exportations de services informatiques frôlent désormais l’équivalent d’environ 920 millions d’euros, traduisant l’impact déjà concret du virage numérique. Ainsi, l’intelligence artificielle n’est plus seulement un projet éducatif, mais bien un moteur économique assumé.
Dans le même temps, les investissements directs dans l’intelligence artificielle et les technologies de l’information atteignent environ 1,84 milliard d’euros. Une part significative, estimée à près de 276 millions d’euros, est consacrée au financement de start-up innovantes. Ce soutien massif confirme que l’intelligence artificielle devient un secteur prioritaire pour les capitaux nationaux et étrangers. L’intelligence artificielle pourrait générer une valeur ajoutée d’au moins 9,2 milliards d’euros dans l’économie nationale sur cinq ans. Ce chiffre place le programme dans une logique de rendement économique clairement assumée par l’État.

© Президент Республики Узбекистан
Le rôle central des Émirats arabes unis dans le développement de l’intelligence artificielle
Derrière cette montée en puissance, le rôle des Émirats arabes unis apparaît déterminant. Le projet a été lancé conjointement par Tachkent et Abou Dhabi. Les Émirats apportent à la fois leur expertise technologique, leurs ressources financières et leur réseau international dans le domaine de l’intelligence artificielle.
Lors de la cérémonie de lancement, le président ouzbek a déclaré : « Aujourd’hui, en coopération avec les Émirats arabes unis, nous lançons ‘Cinq millions de leaders en intelligence artificielle’, prolongement logique du programme ‘Un million de codeurs’. Ce n’est pas simplement un projet, mais de nouveaux horizons d’opportunités pour notre jeunesse ».
Sur le plan budgétaire, le programme est doté d’une enveloppe d’environ 92 millions d’euros. Ce financement couvre à la fois les plateformes éducatives, la formation des enseignants, l’adaptation des programmes scolaires et la mise en place d’outils numériques dédiés à l’intelligence artificielle. Les Émirats arabes unis participent activement à ce financement, consolidant leur rôle d’acteur clé.
En parallèle, un cluster de super-calcul dédié à l’intelligence artificielle doit voir le jour en 2026 en coopération avec le groupe Nvidia. Ce futur centre de calcul haute performance doit permettre de doter l’Ouzbékistan d’infrastructures critiques pour le développement d’algorithmes avancés et de solutions industrielles basées sur l’intelligence artificielle.
Ainsi, au-delà de l’aspect pédagogique, la coopération avec les Émirats arabes unis place l’Ouzbékistan dans une logique de co-développement technologique. L’intelligence artificielle devient un terrain de rapprochement stratégique, à la fois économique, scientifique et diplomatique.

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Former cinq millions de spécialistes en intelligence artificielle pour transformer l’État et l’économie
L’objectif quantitatif du programme impressionne par son ampleur. Avec cinq millions de personnes concernées, l’intelligence artificielle sort du cadre élitiste pour devenir une compétence de masse. Selon Kazinform, la répartition inclut non seulement les étudiants, mais aussi des enseignants et des agents publics, signe que l’État lui-même se prépare à une transformation profonde.
Dans l’administration, l’intelligence artificielle doit permettre d’automatiser de nombreuses procédures et de réduire les lourdeurs bureaucratiques. Ce chantier s’inscrit dans une stratégie globale de modernisation de l’appareil d’État. Grâce à l’intelligence artificielle, les autorités espèrent améliorer l’efficacité des services publics tout en réduisant les coûts opérationnels à moyen terme.
Sur le front de l’innovation, la création prochaine d’un bureau national de transfert de technologies dans la Silicon Valley fait également partie du dispositif. Cette structure doit servir de passerelle entre les développeurs ouzbeks spécialisés en intelligence artificielle et les investisseurs internationaux. Elle doit aussi faciliter l’accès aux accélérateurs de start-up mondiaux.
En parallèle, l’écosystème local se structure progressivement autour de pôles technologiques. Les investissements consacrés aux jeunes entreprises innovantes, estimés à environ 276 millions d’euros, visent à faire émerger des champions nationaux de l’intelligence artificielle, capables de rivaliser sur les marchés régionaux.
Enfin, le programme repose sur l’essor rapide de la formation à distance. Les plateformes d’apprentissage en ligne, largement inspirées de modèles testés aux Émirats arabes unis, jouent un rôle clé dans la diffusion massive des compétences en intelligence artificielle. Cette approche permet de toucher à la fois les grandes villes et les régions les plus éloignées.
À travers ce projet, l’Ouzbékistan entend ainsi inscrire l’intelligence artificielle au cœur de son modèle de développement, en combinant éducation, innovation, administration et attractivité internationale, avec l’appui constant de ses partenaires du Golfe.
