Avec Alatau, le Kazakhstan parie sur une ville nouvelle XXL
Avec Alatau, le Kazakhstan parie sur une ville nouvelle XXL

À une quarantaine de kilomètres d’Almaty, le Kazakhstan lance l’un des projets urbains les plus ambitieux d’Eurasie. Baptisée Alatau, cette ville nouvelle doit accueillir jusqu’à deux millions d’habitants, générer des dizaines de milliers d’emplois et transformer l’économie nationale. À travers ce chantier hors norme, le pays veut poser les bases de son modèle urbain du XXIᵉ siècle.

Alatau, une ville nouvelle pensée comme un moteur économique national

Annoncé en 2024 puis structuré en 2025, le projet Alatau s’impose désormais au Kazakhstan comme un marqueur stratégique du développement territorial. Pensée comme une ville nouvelle indépendante mais connectée à Almaty, Alatau ambitionne de devenir un moteur économique, technologique et humain, capable de changer l’échelle du pays dans les prochaines décennies.

D’abord, Alatau se distingue par son ampleur territoriale exceptionnelle. Le périmètre initial couvre 88.000 hectares. Ensuite, la zone économique spéciale associée au projet a été étendue à 96.500 hectares. Ainsi, dès sa conception, la ville nouvelle s’inscrit dans une logique de puissance productive. Par ailleurs, les autorités projettent une montée en charge progressive, avec une population actuelle d’environ 52.762 habitants recensés en 2024, chiffre désormais appelé à évoluer rapidement. Ensuite, Alatau repose sur une structuration urbaine inédite au Kazakhstan. La ville nouvelle est organisée en quatre districts fonctionnels. Le district « Gate » concentrera les activités financières et commerciales. « Golden » regroupera l’éducation et la santé. « Growing » sera dédié à l’industrie, à la logistique et aux technologies productives. Enfin, « Green » sera réservé au tourisme, aux loisirs et à l’environnement. Grâce à cette organisation, Alatau entend éviter la spécialisation excessive et garantir une mixité fonctionnelle permanente.

Sur le plan économique, les chiffres donnent la mesure du pari engagé. Plus de 170 projets industriels et tertiaires sont programmés dans la zone économique spéciale, pour un volume d’investissement global de 12,5 trillions de tenges, soit environ 24 milliards d’euros au taux moyen de 2025, selon le ministère de l’Économie du Kazakhstan. En parallèle, les autorités estiment que ces projets devraient permettre la création de 110.000 emplois directs. En outre, pour chaque euro investi par l’État, l’objectif est d’attirer près de 3,8 euros de capitaux privés, toujours selon la même source gouvernementale.

Enfin, la promesse macroéconomique est considérable. À pleine maturité, la contribution annuelle d’Alatau à l’économie nationale pourrait atteindre 47,3 trillions de tenges, soit environ 90 milliards d’euros. Cette projection place la ville nouvelle au cœur de la stratégie de diversification économique d’un pays encore fortement dépendant des hydrocarbures.

Alatau, une ville nouvelle conçue pour accueillir jusqu’à deux millions d’habitants

En matière de capacité résidentielle, Alatau joue également dans une catégorie hors norme. Le plan directeur prévoit plus de 55 millions de mètres carrés de logements. De plus, les établissements d’enseignement programmés pourraient accueillir jusqu’à 40.000 étudiants. Autrement dit, la ville nouvelle ne se contente pas d’empiler des mètres carrés, elle vise à créer un véritable écosystème urbain complet. Par conséquent, logement, formation et emploi doivent être développés simultanément afin d’éviter les déséquilibres traditionnels observés dans les villes créées ex nihilo.

À terme, la population cible est fixée à près de deux millions d’habitants à l’horizon 2050. Ce chiffre place Alatau dans la catégorie des grandes métropoles régionales, à un niveau comparable à certaines capitales d’Asie centrale. Toutefois, à ce stade, la croissance démographique reste progressive, ce qui permet aux urbanistes d’ajuster les infrastructures au rythme réel des arrivées. Ainsi, contrairement à certains projets de villes nouvelles surgis trop rapidement, Alatau revendique une approche incrémentale.

Sur le plan conceptuel, les autorités insistent sur l’originalité du projet. « Beaucoup disent que ce sera un nouveau Dubaï, un nouveau Singapour ou un nouveau Shanghai. Mais en réalité, il faut une originalité, et cela doit simplement être Alatau », a déclaré Marat Sultangaziyev, le gouverneur de la région d’Almaty, lors d’une réunion d’experts en novembre 2025. Cette déclaration marque une volonté de rompre avec les modèles importés et d’ancrer le projet dans l’identité kazakhstanaise contemporaine.

Dans la pratique, cette ambition se traduit par un urbanisme orienté vers les usages. Les documents de planification privilégient les mobilités douces, la connectivité numérique, mais aussi la biodiversité urbaine. De plus, la proximité avec Almaty constitue un avantage stratégique, puisque la nouvelle ville pourra s’appuyer sur les infrastructures existantes tout en désengorgeant l’ancienne capitale économique. Dès lors, Alatau apparaît comme une extension métropolitaine contrôlée, plutôt que comme une rupture brutale.

Alatau, une ville nouvelle scrutée par les investisseurs internationaux

Dès 2025, le projet Alatau a commencé à attirer l’attention des investisseurs étrangers. En octobre, le Kazakhstan a officiellement présenté la ville nouvelle à des investisseurs sud-coréens à Séoul. Cette première séquence internationale a permis de positionner Alatau comme un hub industriel, technologique et logistique capable de s’intégrer aux grandes routes commerciales eurasiennes. Par conséquent, la ville nouvelle n’est plus seulement un projet national, elle devient un objet de diplomatie économique.

Dans le même temps, des acteurs privés de premier plan se sont manifestés. En mai 2025, l’homme d’affaires kazakhstanais Viatcheslav Kim a annoncé un investissement de 1 milliard de dollars dans le développement d’Alatau, soit environ 920 millions d’euros au taux de change moyen de l’année. Cet engagement financier massif a servi de signal fort pour les autres investisseurs. En effet, dans les projets de villes nouvelles, l’implication d’acteurs privés crédibilise souvent la trajectoire de long terme.

Enfin, au-delà des investissements, la ville nouvelle est intégrée dans une stratégie nationale de transformation structurelle. Le gouvernement kazakhstanais voit dans Alatau un laboratoire de politiques publiques, notamment en matière de fiscalité, de réglementation urbaine, de transition écologique et d’innovation technologique. Ainsi, ce qui se joue autour d’Alatau dépasse largement la seule question immobilière. Il s’agit d’un changement de paradigme dans la manière de concevoir la ville en Asie centrale.

Illustration www.freepik.com.

Par Païsiy Ukhanov
Le 11/29/2025

Newsletter

Pour rester informé des actualités de l’Asie centrale