Alors que le Kazakhstan renforce sa stratégie de montée en gamme industrielle, Renault réévalue sa présence dans le pays et envisage un retour progressif dans l’usine de Kostanaï. Cette possible relance s’inscrit dans une dynamique bilatérale marquée par une volonté de consolider les investissements français dans un secteur automobile kazakhstanais en pleine expansion.
Renault : La reprise des discussions avec Allur marque un tournant industriel au Kazakhstan
Le 19 novembre 2025, Renault a confirmé étudier la possibilité de relancer une partie de la production de véhicules au Kazakhstan, un marché en structuration rapide et soutenu par un gouvernement désireux d’attirer de nouveaux industriels. Cette perspective intervient dans un contexte où les échanges économiques entre Paris et Astana se densifient, tandis que le constructeur français cherche à sécuriser de nouveaux relais de croissance hors d’Europe. Bien que Renault ne confirme pas encore un calendrier, le constructeur reconnaît que le contexte évolue et que des discussions ont repris avec l’usine locale, ce qui renforce l’intérêt stratégique de cette coopération.
L’idée d’un retour de Renault dans l’usine de Kostanaï a ressurgi lorsque l’ambassadeur de France au Kazakhstan, Sylvain Guiaugué a confirmé au média kazakhstanais Kursiv la reprise des échanges avec le groupe Allur, maître d’œuvre de l’outil industriel local. Au cours de cet entretien, il a rappelé que « les négociations ont repris avec l’usine Allur à Kostanaï, mais il n’existe pas pour l’instant de résultats concrets ». Cette formulation prudente témoigne néanmoins d’un regain d’intérêt pour cette plateforme industrielle, qui avait autrefois assemblé des modèles Renault dans un format semi-désossé, notamment l’Arkana et le Kaptur.
Pour l’heure, Renault ne s’avance pas davantage. L’ambassadeur a tenu à préciser que « pour l’instant il n’est pas question de l’assemblage de véhicules Renault au Kazakhstan, mais cette option n’est pas exclue dans le futur lorsque les paramètres globaux évolueront ». Ces propos traduisent la position stratégique du constructeur, qui doit composer avec une carte industrielle mondiale en recomposition, tout en évaluant le potentiel du marché kazakhstanais. De son côté, Allur, propriété de l’entrepreneur Andrey Lavrentyev, se positionne comme un acteur pivot, capable de fournir à Renault une capacité industrielle déjà opérationnelle et compatible avec des montées en cadence rapides, notamment grâce aux récents investissements dans la modernisation de ses lignes.
Un marché automobile en pleine expansion qui attire Renault
Si Renault envisage un retour, c’est aussi parce que le Kazakhstan connaît une dynamique rare dans la région. Le ministère de l’Industrie du Kazahstan anticipe une production totale de 163.000 véhicules, un chiffre qui traduit la volonté du pays de consolider sa capacité industrielle. Cette ambition s’appuie sur une demande locale robuste et une stratégie d’exportation vers l’Asie centrale, un levier que Renault connaît bien pour l’avoir déjà exploité dans ses précédentes implantations régionales. Les premiers mois de 2025 confirment cette trajectoire ascendante, avec 20.888 véhicules produits entre janvier et février, dont l’écrasante majorité correspond à des modèles légers. Ce volume démontre la vigueur de l’écosystème local, mais surtout la capacité des sites kazakhstanais à maintenir une cadence soutenue, un élément fondamental dans l’équation industrielle que Renault examine.
Cette dynamique s’était déjà renforcée en 2024, lorsque le pays avait produit 70.215 unités de véhicules entre janvier et juillet, pour une valeur totale de 915,3 milliards de tenges, soit environ 1,75 milliard d’euros. Cette progression rapide laisse apparaître un marché où la demande croissante et l’appui institutionnel créent des conditions favorables pour les investisseurs étrangers. Renault analyse ces données pour identifier le bon moment afin d’intensifier sa présence, tout en tenant compte des exigences kazakhstanaises en matière de localisation. Le pays impose en effet une part minimale de 30% de production en petits nœuds (CKD), ce qui nécessite une adaptation logistique et technique que seul un acteur disposant d’une solide expertise industrielle peut gérer efficacement.
Les enjeux géo-économiques renforcent la coopération France-Kazakhstan
Au-delà des considérations strictement industrielles, Renault doit se positionner dans une coopération diplomatique et économique qui s’accélère entre Paris et Astana. Le Kazakhstan souhaite attirer davantage d’investissements français, notamment dans les secteurs manufacturiers où l’expertise hexagonale est reconnue. Cette convergence d’intérêts explique la place importante que Renault occupe dans les discussions gouvernementales bilatérales, d’autant plus que l’industrie automobile représente pour le Kazakhstan un symbole de modernisation et de diversification de son économie. Les autorités kazakhes voient dans la présence du constructeur français un moyen de crédibiliser encore davantage leur stratégie de développement.
Dans ce contexte géo-économique mouvant, Renault doit également intégrer les nouvelles logiques d’intégration régionale. Le marché kazakhstanais sert de pivot entre la Russie, l’Asie centrale et les corridors économiques reliant la Chine à l’Europe. Cette position stratégique peut constituer un avantage pour un constructeur cherchant à sécuriser ses chaînes d’approvisionnement tout en pénétrant plusieurs marchés depuis un même site. Le site de Kostanaï, déjà opérationnel et doté d’un savoir-faire historique dans l’assemblage de modèles étrangers, apparaît ainsi comme un levier technique et logistique crédible. Enfin, l’implication directe de la diplomatie française dans ce dossier souligne la volonté d’appuyer les entreprises nationales dans des zones où les perspectives de croissance demeurent robustes et structurantes pour les coopérations futures.
