Le Kazakhstan mise sur les gisements afghans pour se fournir en métaux rares
Le Kazakhstan mise sur les gisements afghans pour se fournir en métaux rares

Le Kazakhstan se tourne vers l’Afghanistan pour élargir son horizon minier. Dans un contexte mondial de compétition pour l’accès aux métaux rares, plusieurs sociétés kazakhstanaises ont commencé à explorer les gisements afghans, prometteurs mais encore largement inexploités. Les premières prospections confirment un potentiel exceptionnel, notamment dans les provinces riches en plomb, zinc et cuivre.

Gisements afghans de métaux rares : Kazakhmys Barlau en première ligne

Depuis avril 2025, une commission technique bilatérale lie Astana et Kaboul pour étudier les ressources du sous-sol afghan. Ce rapprochement s’inscrit dans une logique économique autant que géopolitique : sécuriser de nouvelles sources d’approvisionnement en métaux, tout en offrant à l’Afghanistan des partenaires capables d’investir dans ses infrastructures minières. Lors du Forum économique kazakho-afghan, qui s’est tenu le 29 octobre 2025, des contrats et mémorandums d’un montant avoisinant les 140 millions de dollars ont été signés.

La société Kazakhmys Barlau, filiale du géant métallurgique Kazakhmys, a été la première à se lancer sur le terrain afghan. Ses géologues opèrent depuis le printemps 2025 dans la province montagneuse de Nuristan, l’une des régions les moins explorées du pays. Environ 130 kg d’échantillons ont déjà été prélevés lors de la première phase de recherche. Les résultats, jugés spectaculaires, indiquent des teneurs atteignant jusqu’à 39% en minerai brut et 41% en concentré.

Pour le directeur général de Kazakhmys Barlau, Galym Nurzhanov, ces chiffres traduisent « un potentiel rare, digne des gisements du XIXᵉ siècle ». L’ingénieur se félicite de la qualité des minerais analysés, qui « pourraient être directement traités sans opérations complexes de purification ». Si ces affirmations demandent confirmation indépendante, elles révèlent l’intérêt stratégique d’un pays encore perçu comme une frontière minière.

En Afghanistan, le ministère des Mines et du Pétrole salue cette coopération, estimant que « le Kazakhstan dispose d’une expérience et de moyens d’investissement capables de contribuer à la mise en valeur des ressources nationales ». Les autorités afghanes espèrent que ces partenariats attireront d’autres investisseurs régionaux, à commencer par les acteurs d’Asie centrale qui cherchent à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement en métaux critiques.

Des ambitions régionales et géopolitiques

Pour Astana, ce tournant s’inscrit dans une stratégie plus large : renforcer sa position de pôle minier régional. Le ministre kazakhstanais de l’Économie, Serik Zhumangarin, avait fait savoir en avril 2025 que « le Kazakhstan a formé un pool professionnel d’entreprises expérimentées en exploration, en extraction et en traitement des minéraux solides ». Ces sociétés, avait-t-il ajouté, « sont prêtes à identifier et à investir dans des gisements prometteurs ».

Le pari est audacieux. L’Afghanistan demeure instable et son cadre réglementaire reste fragile. Cependant, la proximité géographique et les liens commerciaux hérités de l’histoire offrent au Kazakhstan une porte d’entrée privilégiée. En se positionnant en pionnier, il espère capter les futurs flux d’investissement liés à l’exploitation des métaux critiques nécessaires aux technologies vertes. Dans le même temps, ces initiatives soutiennent l’ambition d’Astana de faire du pays un acteur incontournable des chaînes d’approvisionnement en métaux rares en Eurasie.

Les échanges entre les deux pays se sont intensifiés depuis début 2025. Les discussions portent non seulement sur le plomb et le zinc, mais aussi sur le cuivre, l’or et d’autres métaux stratégiques. Cette diversification reflète la volonté kazakhe d’accompagner la montée en puissance de la demande mondiale, tout en sécurisant ses propres filières industrielles.

Le Kazakhstan mise sur les gisements afghans pour se fournir en métaux rares

© Министерство национальной экономики Республики Казахстан

Un marché encore vierge et lourd d’incertitudes

Malgré ces avancées, le marché afghan reste largement inexploité. L’accès difficile aux régions montagneuses, le manque d’infrastructures et la complexité politique du pays freinent encore les investissements à grande échelle. Les sociétés kazakhes adoptent donc une approche progressive : d’abord la prospection, ensuite l’évaluation économique des gisements, avant tout projet d’exploitation.

Le gouvernement kazakhstanais, de son côté, mise sur la diplomatie économique pour consolider ces premiers pas. L’idée est de bâtir une coopération durable, fondée sur l’expertise technique et le partage des bénéfices. L’intérêt de l’Afghanistan pour ces partenariats témoigne d’une recherche de stabilité et de reconnaissance internationale à travers le développement de son secteur minier. Pour les entreprises kazakhes, c’est aussi une opportunité d’accéder à des métaux à forte valeur ajoutée, tout en affirmant leur savoir-faire dans un environnement à haut risque.

À terme, le succès de ces explorations pourrait repositionner le Kazakhstan comme un acteur régional majeur dans la production et la transformation des métaux. Mais d’ici là, les défis logistiques, politiques et environnementaux restent considérables. Les forages de Nuristan ne sont que les premiers coups de pioche d’une stratégie ambitieuse : faire des gisements afghans une nouvelle frontière pour l’industrie kazakhstanaise des métaux.

Par Rodion Zolkin
Le 10/30/2025

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