Le centre des congrès de Douchanbé vibre cette semaine au rythme de AI Conf 2025, un colloque d’envergure internationale qui consacre l’entrée du Tadjikistan sur la carte mondiale de l’intelligence artificielle. L’événement, inauguré le 25 octobre 2025, réunit des dirigeants politiques, des chercheurs, des entrepreneurs et des investisseurs venus de plus de vingt pays, confirmant le rôle que le pays entend jouer dans la transformation technologique de l’Asie centrale.
De l’importance de bâtir des écosystèmes d’innovation ouverts
Dès l’ouverture, le Premier ministre Qohir Rasulzoda a insisté sur la portée stratégique de cette rencontre pour le développement du pays. À ses côtés, Sherali Kabir, ministre de l’Industrie et des Nouvelles technologies, a présenté la feuille de route nationale en matière d’IA : une stratégie fondée sur l’innovation, la formation et les partenariats internationaux. Le colloque est organisé sous le patronage du gouvernement et du Conseil sur l’intelligence artificielle du Tadjikistan, dirigé par Azizjon Azimi. Ce dernier a résumé l’esprit de l’événement en déclarant : « AI Conf 2025 marque une étape importante pour le Tadjikistan et pour la manière dont les économies émergentes peuvent contribuer à l’innovation mondiale ».
Le programme du colloque illustre cette ambition. Sur une seule journée, les sessions se succèdent à un rythme soutenu : conférences plénières le matin, ateliers thématiques l’après-midi, puis panels consacrés à la gouvernance, à l’éducation et à la finance. La matinée a été marquée par des interventions de figures internationales telles que Sunil Gupta, PDG de Yotta Computing, Sara Hooker, cofondatrice d’Adaption Labs, et Janneta Tabakov, responsable du développement chez Perplexity AI. Toutes ont insisté sur l’importance de bâtir des écosystèmes d’innovation ouverts, capables d’associer les gouvernements et les acteurs privés. Dans la foulée, plusieurs sessions ont exploré les thèmes les plus brûlants : la montée de l’intelligence artificielle générale, les défis éthiques et les enjeux du financement des technologies émergentes.
IA Conf 2025 : des invités de marque ont fait le déplacement
Au-delà de la richesse du contenu, ce colloque se distingue par la diversité de ses participants. Plus d’une centaine de dirigeants, chercheurs et investisseurs de haut niveau y prennent part, venus d’Asie, d’Europe et du Moyen-Orient. Parmi eux figurent Anton Dzhoraev, directeur régional de NVIDIA CIS, Dan Weirich, partenaire général du fonds Carbide Ventures, ou encore Youssef Salem, directeur financier d’ADNOC Drilling. Leur présence témoigne d’un intérêt croissant pour la région et pour un pays longtemps resté à l’écart des grands rendez-vous technologiques.
Le colloque n’est pas qu’un événement académique : il sert de vitrine à une série d’initiatives nationales ambitieuses. L’une d’elles, présentée par le Conseil sur l’IA, concerne la création de darya.ai, le premier cluster informatique vert du pays, alimenté par l’hydroélectricité et conçu pour atteindre une puissance d’un gigawatt d’ici 2030, selon Globe Newswire. Cette infrastructure doit permettre d’héberger à grande échelle des modèles d’intelligence artificielle régionaux. Dans le même esprit, le ministère de l’Éducation a lancé un programme pilote visant à introduire des outils d’IA dans cent établissements scolaires depuis septembre 2025, première étape d’un plan national qui couvrira à terme quatre mille écoles et plus de deux millions d’élèves d’ici 2028, d’après l’agence Khovar.
L’éducation occupe en effet une place centrale dans la stratégie nationale. Le gouvernement souhaite former une génération d’élèves familiers des nouvelles technologies, tout en favorisant l’enseignement des langues et de la programmation à travers des modèles linguistiques locaux. Le pays a d’ailleurs présenté son propre modèle, SoroLLM, un système de 27 milliards de paramètres entraîné sur des données en tadjik et dans plusieurs dialectes régionaux. Ce projet incarne l’ambition de créer un écosystème technologique qui s’appuie sur la langue et la culture locales, un angle original dans un paysage dominé par les grands modèles anglophones.
Renforcer la souveraineté technologique du Tadjikistan tout en attirant des investissements étrangers
Dans un contexte régional où le Kazakhstan et l’Ouzbékistan investissent déjà massivement dans le numérique, le Tadjikistan affiche une approche plus ciblée : miser sur ses atouts énergétiques et sa jeunesse éduquée pour devenir un centre d’expérimentation et de calcul à faible empreinte carbone. Selon Khovar, les autorités voient dans cette orientation une manière de renforcer la souveraineté technologique du pays tout en attirant des investissements étrangers.
Le colloque de Douchanbé se veut ainsi le point de départ d’une dynamique plus large : celle d’un État prêt à collaborer avec des entreprises mondiales, à intégrer l’intelligence artificielle dans l’éducation, la finance et les services publics, et à se positionner comme un acteur crédible de l’innovation régionale. Les discussions entamées autour de partenariats avec plusieurs fonds d’investissement et universités devraient se prolonger au-delà du colloque.
À mesure que les sessions s’enchaînent et que les accords se signent, le ton du colloque s’impose : celui d’un pays qui, sans disposer des moyens des géants voisins, entend se distinguer par sa vision, sa stabilité et sa capacité à fédérer. À Douchanbé, l’intelligence artificielle n’est plus un concept abstrait : elle devient un levier de développement national.
