L’Ouzbékistan franchit un nouveau cap dans sa coopération énergétique avec l’Afghanistan : le ministre ouzbek de l’Énergie, Jo’rabek Mirzamahmudov, a confirmé que Kaboul avait délivré des licences à des entreprises ouzbèkes pour la prospection et l’exploitation d’hydrocarbures. Le projet, d’une durée de 25 ans, s’inscrit dans une stratégie régionale de long terme mêlant énergie, diplomatie et logistique.
Des licences stratégiques et un projet sur 25 ans
Le gouvernement afghan a accordé à plusieurs entreprises ouzbèkes des licences pour mener des travaux de géologie-recherche et d’extraction d’hydrocarbures sur son territoire, a annoncé Jo’rabek Mirzamahmudov, le ministre ouzbek de l’Énergie. Ce dernier a rappelé que le chantier de Toti-Maydon, inauguré mi-septembre, constitue la première phase d’un vaste programme. « Ce sera une première étape. Le projet est conçu comme une initiative qui profitera à l’économie de l’Ouzbékistan et de l’Afghanistan », a fait savoir le ministre dans un entretien à la chaîne de télévision O‘zbekiston 24.
Selon les informations officielles, le contrat signé avec la société Eriell KAM court sur une période de 25 ans. Le champ gazier de Toti-Maydon, d’une superficie d’environ 7.500 km², comprend près de 30 puits recensés par les autorités afghanes. Ces données confirment le potentiel énergétique significatif de la région et justifient l’engagement de long terme d’Eriell KAM dans l’exploitation des hydrocarbures.
Des investissements massifs et un objectif énergétique clair
Les montants engagés témoignent de l’ambition du projet : environ 100 millions de dollars investis dès la première année, pour un total estimé à près d’un milliard sur dix ans. L’objectif à court terme est de produire 100 MW d’électricité à partir du gaz extrait pendant les deux premières années d’exploitation. Ces chiffres traduisent la volonté d’utiliser les hydrocarbures locaux pour satisfaire les besoins énergétiques immédiats de la région tout en posant les bases d’une future exportation.
Parallèlement, un autre programme conjoint de 250 millions de dollars a été lancé pour moderniser les infrastructures électriques afghanes. Il comprend la construction de lignes à haute tension, dont la ligne 500 kV « Surkhan–Pul-e Khumeri », et de nouvelles sous-stations à Nangarhar et Kaboul, avec une livraison prévue avant le 1er avril 2027. Cette approche intégrée lie directement la production d’hydrocarbures à l’électrification et au développement énergétique global de l’Afghanistan.
Une vision géopolitique assumée
Pour le ministre ouzbek, la stabilité et la reconstruction de l’Afghanistan représentent bien plus qu’un enjeu énergétique : elles pourraient ouvrir à l’Ouzbékistan un corridor stratégique vers l’océan mondial. « Si la paix s’installe et que les infrastructures se développent, ce territoire deviendra pour nous la voie la plus courte vers l’océan mondial », a-t-il déclaré. L’exploitation d’hydrocarbures en Afghanistan s’inscrit ainsi dans une stratégie de connectivité régionale et de croissance logistique pour l’Ouzbékistan.
Jo’rabek a par ailleurs estimé que la paix et la stabilité en Afghanistan sont essentielles « non seulement pour l’Ouzbékistan, mais pour l’ensemble des pays de la région ». Cette vision, qu’il qualifie de « tâche stratégique et politique à long terme », fait écho à la politique régionale du président Shavkat Mirziyoyev, dont le ministre cite l’approche « patiente et progressive » dans le rapprochement avec Kaboul.
Des relations fondées sur la confiance mutuelle
Le ministre a également évoqué le climat de confiance croissante entre les deux peuples : « L’attitude du peuple afghan envers l’Ouzbékistan se lit dans les yeux des gens », a-t-il déclaré. Il a ajouté que lors de sa dernière visite à Kaboul, le vice-Premier ministre afghan par intérim, Mullah Abdul Ghani Baradar Akhund, lui avait confié : « Dans le regard du président Mirziyoyev, je vois l’amour pour l’Afghanistan et son peuple ».
Ces déclarations mettent en avant une dimension diplomatique et symbolique : au-delà des hydrocarbures, l’Ouzbékistan se positionne comme un partenaire stable, porteur d’une vision de coopération économique et politique durable avec l’Afghanistan.
Perspectives et défis à venir
Malgré l’ampleur des ambitions, le projet reste soumis à plusieurs incertitudes. La situation sécuritaire, la logistique des transports de gaz et la régulation des contrats à long terme constituent des risques majeurs. Les autorités ouzbèkes affirment toutefois que les premières explorations à Toti-Maydon, déjà entamées, serviront d’indicateur clé avant toute expansion vers d’autres zones. Si la production de 100 MW est atteinte, elle marquera une étape cruciale pour les hydrocarbures ouzbèko-afghans et pour la consolidation de la coopération énergétique régionale.