Centrale de Rogun : le Tadjikistan exportera son électricité vers l’Ouzbékistan et le Kazakhstan
centrale hydroélectrique de Rogun

Au cœur de l’Asie centrale, la centrale hydroélectrique de Rogun, au Tadjikistan, s’affirme comme un pilier de la coopération énergétique régionale. Son électricité, bientôt disponible grâce à l’avancée des travaux, sera exportée vers l’Ouzbékistan et le Kazakhstan, ouvrant une nouvelle ère d’indépendance énergétique hors de l’orbite russe.

Rogun, un projet pharaonique au service de l’électricité régionale

Le 3 octobre 2025, le Kazakhstan a annoncé son intention d’acheter l’électricité produite par la centrale de Rogun, en cours d’achèvement au Tadjikistan. Quelques semaines plus tôt, en juillet, Douchanbé et Tachkent avaient déjà officialisé un accord similaire. Cette dynamique renforce la place de Rogun dans les échanges énergétiques régionaux et illustre la montée en puissance d’une coopération centrasiatique structurée, sans passer par Moscou.

La centrale hydroélectrique de Rogun, située sur la rivière Vakhsh, est l’un des projets énergétiques les plus ambitieux du Tadjikistan. Conçue pour devenir la plus haute centrale hydroélectrique du monde, elle pourrait atteindre une puissance installée de 3.600 MW une fois achevée. Ce chantier colossal, entamé dès l’ère soviétique puis interrompu, a retrouvé un second souffle grâce à des financements accrus. L’Agence de financement pour les infrastructures d’Asie (ABII) a récemment décidé d’augmenter son appui financier jusqu’à 500 millions de dollars.

La mise en service progressive des premières unités de production permet désormais d’anticiper des flux d’électricité à l’export. Douchanbé y voit une double opportunité : satisfaire sa propre demande énergétique, encore sujette à des pénuries en hiver, tout en s’imposant comme un fournisseur stratégique auprès de ses voisins directs. Ainsi, la centrale devient une véritable arme de puissance douce dans une région où la maîtrise de l’énergie détermine en grande partie les équilibres politiques.

Coopération énergétique : accords avec l’Ouzbékistan et le Kazakhstan

Le 17 juillet 2025, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan avaient signé un accord prévoyant les livraisons d’électricité en provenance de Rogun. Confronté à une demande intérieure croissante, Tachkent considère cette ressource comme essentielle pour sécuriser son approvisionnement. Selon les termes communiqués, les volumes devraient s’intensifier au fur et à mesure de la montée en puissance de la centrale, marquant une étape dans la normalisation des relations bilatérales après des années de tensions autour de l’eau et de l’énergie.

Trois mois plus tard, le 3 octobre, le Kazakhstan a officiellement exprimé sa volonté d’acheter de l’électricité à Rogun. Astana envisage ces livraisons comme un moyen de diversifier ses sources et de réduire la pression sur son réseau électrique, particulièrement sollicité durant les pics de consommation hivernaux.

Un tournant stratégique pour l’Asie centrale

Ces accords redessinent la carte énergétique de la région. Traditionnellement dépendants des exportations russes ou de réseaux hérités de l’URSS, les pays d’Asie centrale se tournent désormais vers des solutions endogènes. En cristallisant un intérêt commun entre le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et le Kazakhstan, le projet régional autour de la centrale de Rogun crée un précédent : celui d’une intégration énergétique régionale autonome. Cette centrale constitue désormais un instrument clé d’interdépendance, capable de transformer les anciennes rivalités hydrauliques en complémentarités.

Dans un contexte où la demande régionale ne cesse de croître et où les défis liés au changement climatique s’accentuent, Rogun incarne une nouvelle stratégie. Elle vise à mutualiser les ressources hydrauliques, valoriser le potentiel énergétique local et limiter les risques de dépendance vis-à-vis de la Russie ou d’autres puissances extérieures. Si les défis techniques et financiers demeurent considérables, la dynamique actuelle prouve que la coopération énergétique centrasiatique est entrée dans une phase concrète et durable.

Par Païsiy Ukhanov
Le 10/06/2025

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