Au Kazakhstan, la présence des trottinettes électriques dans l’espace public ne cesse de susciter polémiques et mesures restrictives. Entre infractions en forte hausse, plaintes d’usagers vulnérables et annonces d’interdiction, autorités et opérateurs cherchent encore le juste équilibre pour encadrer ce mode de mobilité urbaine devenu incontournable.
Trottinettes électriques : au Kazakhstan, Almaty concentre la majeure partie des infractions
Le débat autour des trottinettes électriques a pris une ampleur inédite au Kazakhstan. Alors que les grandes villes, et notamment Almaty, concentrent la majorité des incidents, le gouvernement et les municipalités multiplient les annonces pour renforcer le contrôle. La perspective d’une interdiction temporaire et l’adoption prochaine d’amendements législatifs témoignent d’une volonté politique claire : mettre fin au vide réglementaire qui entoure encore ce secteur.
À Almaty, ville pionnière dans la diffusion de la micromobilité, la patience des autorités semble avoir atteint ses limites. Le député Beïbut Kousaïnov a proposé une interdiction temporaire des trottinettes électriques, invoquant le stationnement anarchique et l’absence de règles claires. Cette initiative s’appuie sur des chiffres préoccupants : depuis début 2025, la police a enregistré 24.000 infractions liées à ce mode de transport, dont 16.000 uniquement à Almaty, soit 66% du total national. Plus de 2.500 engins ont déjà été envoyés en fourrière, et une opération ponctuelle dans la métropole a conduit à la saisie de 259 engins. Et ne sont que le chiffres du ministère de l’Intérieur. Le 15 septembre 2025, le média kazakhstanais Orda.kz faisait état de « près de 29.000 » infractions et environ 8.000 trottinettes placées en fourrière. C’est pourquoi l’idée d’une interdiction ciblée, au moins dans les zones piétonnes ou centrales, fait son chemin.
Trottinettes électriques : les députés s’apprêtent à légiférer
Le ton est monté au plus haut niveau de l’État. Dans un discours début septembre 2025, le président Kassym-Jomart Tokaïev a mis en garde contre les dangers posés par les trottinettes électriques : « La vie de chaque citoyen, de chaque enfant est inestimable, et ici il ne peut y avoir de détails », a-t-il déclaré. Ses mots résonnent comme un avertissement adressé autant aux opérateurs qu’aux usagers, alors que les accidents et plaintes se multiplient.
Le ministère de l’Intérieur a suivi le mouvement. Le vice-ministre Igor Lepëkha a annoncé devant la presse que des amendements seraient présentés au parlement afin de durcir la législation. Il a notamment rappelé que des solutions techniques existent déjà ailleurs : « Regardez ce qui se fait à Moscou. Là-bas, si une trottinette atteint la place Rouge, elle s’arrête simplement, elle n’avance plus. Ou bien, si la vitesse doit être limitée à cinq kilomètres par heure, pourquoi nos opérateurs refusent-ils de le mettre en œuvre ? ». Cette référence à l’expérience russe illustre le retard pris par le Kazakhstan dans la régulation des trottinettes électriques. Les autorités avaient même envisagé une interdiction totale sur les trottoirs avant d’assouplir cette position, à la suite de discussions avec les sociétés de partage.
Dans la capitale comme à Shymkent, des campagnes de collecte des véhicules mal stationnés se poursuivent. À Almaty, ces opérations sont désormais régulières et donnent lieu à la mise en fourrière immédiate des engins abandonnés. L’objectif affiché est double : réduire la gêne pour les piétons et envoyer un signal clair aux exploitants, sommés de mieux encadrer leurs flottes.
De grandes plaques d’immatriculation très visibles pour dissuader les contrevenants
Face à cette pression, les sociétés de location n’ont pas tardé à réagir. L’opérateur JET, très présent à Almaty, a introduit dès le 13 juin 2025 une pénalité interne de 100 tenges pour tout mauvais stationnement. En août 2025, l’entreprise équipé ses trottinettes de grandes plaques d’immatriculation très visibles, permettant aux passants comme aux autorités d’identifier rapidement un véhicule en infraction. « Toute tentative de détériorer, de masquer ou de détruire ces numéros sera considérée comme une dégradation volontaire de propriété et entraînera les sanctions correspondantes », a averti Musalav Alibekov, directeur général de JET.
Cependant, ces efforts ne suffisent pas à calmer la colère de certains usagers. Les associations de personnes malvoyantes d’Almaty ont alerté la presse locale sur la présence constante de trottinettes électriques abandonnées sur les trottoirs. Elles considèrent ces engins comme un obstacle dangereux, particulièrement pour les piétons vulnérables. Ces plaintes donnent un poids supplémentaire aux partisans d’une interdiction, qui estiment que la liberté de circuler en trottinette ne doit pas se faire au détriment de la sécurité des plus fragiles.
En définitive, le Kazakhstan se trouve aujourd’hui à un tournant. Entre l’attrait d’une mobilité rapide et écologique et la nécessité de protéger ses citoyens, le pays doit définir une stratégie claire. La multiplication des chiffres alarmants, la montée des critiques et l’implication directe du président témoignent d’une urgence : réguler enfin les trottinettes électriques, quitte à envisager leur interdiction temporaire dans les zones les plus exposées.