Un déséquilibre structurel s’impose sur le marché de l’emploi en Ouzbékistan : d’un côté, un gouvernement déterminé à créer des millions de nouveaux postes ; de l’autre, une demande croissante de compétences non satisfaites dans le tissu productif. L’étude de la Banque centrale d’Ouzbékistan révèle un fossé saisissant entre l’emploi espéré et les profils disponibles.
Ouzbékistan : un déséquilibre entre demande de main-d’œuvre et profils disponibles
L’Ouzbékistan cherche à corriger des distorsions persistantes dans le marché du travail : la Banque centrale souligne un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de main-d’œuvre, avec une demande d’emplois qualifiés qui excède l’offre locale.
La dynamique du marché du travail ouzbek montre que, malgré des objectifs ambitieux, de nombreux employeurs peinent à trouver des candidats adaptés. En effet, « Près de 45% des employeurs déclarent avoir des difficultés à trouver des travailleurs qualifiés ». Ce constat met en lumière une tension forte sur les segments spécialisés du secteur productif.
Ce déficit en compétences indique que l’emploi en Ouzbékistan est moins une question de création de postes que de qualité des profils. Le gouvernement a d’ailleurs fixé comme objectif de créer 5,2 millions d’emplois d’ici fin 2025 et de former plus d’un million de personnes d’ici là. Sans un rapprochement plus efficace entre formation et demande réelle du marché, le déséquilibre pourrait persister.
Dans ce contexte, le recours à la migration de main-d’œuvre apparaît comme un palliatif. Fin 2024, le nombre de migrants ouzbeks travaillant à l’étranger était estimé à 1,35 million de personnes. Par ailleurs, l’État prévoit de diriger plus de 200.000 citoyens vers des emplois à l’étranger en 2025, notamment vers des pays à revenus élevés. Ce volet migratoire traduit une stratégie de désengorgement partiel du marché domestique.
Risques sur les salaires et pouvoir d’achat
Tout en affichant une croissance nominale des salaires remarquable, l’Ouzbékistan subit l’impact de l’inflation et d’une demande productive en mutation. Au second trimestre 2025, les salaires ont augmenté de 17,2% en nominal, mais la hausse réelle n’est que de 7,3% après ajustement. Cette différence entre nominal et réel illustre la pression inflationniste et la difficulté à traduire une création d’emplois en pouvoir d’achat durable.
Sur le premier trimestre 2025, l’augmentation moyenne des salaires réels en Ouzbékistan a été de 7,2%, contre 9,8% à l’échelle de l’Asie centrale. L’écart relatif expose le pays à une faiblesse compétitive dans le domaine salarial. Le salaire minimum posé à 91 dollars au T1 2025 reste modeste. Alors que cet indicateur coexiste avec une demande surqualifiée dans certains secteurs, il attire l’attention sur la fragilité du segment non qualifié : ces travailleurs pourraient connaître un accès limité à l’emploi stable et bien rémunéré.
Ainsi, sur le marché du travail ouzbek, les incitations salariales sont contraintes par l’inflation et l’absence de profils immédiatement mobilisables, ce qui limite l’impact réel d’une croissance des emplois sur le niveau de vie.
Les agences pour l’emploi seront transformées
Pour remédier à ce déséquilibre, l’Ouzbékistan engage des réformes structurelles sur l’emploi et ses mécanismes institutionnels. Le gouvernement prévoit de transformer les agences pour l’emploi pour réduire les barrières bureaucratiques dans les relations de travail. L’idée est de fluidifier l’appariement entre demandeurs et offres, en encadrant mieux les compétences demandées.
e plus, le président a annoncé qu’à partir de 2025, la couverture de la sécurité sociale sera largement étendue, afin de garantir l’égalité sur le marché du travail entre les femmes et les hommes. Cette mesure pourrait rendre l’accès à l’emploi plus attractif, notamment pour les groupes sous-représentés, et augmenter l’offre de force de travail qualifiée.
Néanmoins, un risque demeure : l’Ouzbékistan fixe des objectifs très ambitieux – 5,2 millions d’emplois – alors que le déficit de compétences est important. Si l’adéquation entre formation et demandes réelles reste insuffisante, l’écart entre l’offre disponible et la demande croissante pourrait perdurer. Par conséquent, le pays devra calibrer ses cibles avec pragmatisme pour éviter un surdimensionnement irréaliste de l’emploi.