Logistique régionale : l’Ouzbékistan et l’Afghanistan créent une entreprise conjointe
Sogdiana Trans

Un nouvel acteur de la logistique régionale vient de voir le jour à Kaboul : l’Ouzbékistan et l’Afghanistan ont fondé une coentreprise destinée à fluidifier les flux de marchandises en Asie centrale. Cette initiative pourrait repositionner les deux pays au cœur des corridors de transports eurasiatiques.

Un partenariat structurant pour les transports régionaux

Le 26 septembre 2025, un projet stratégique a été lancé à Kaboul : la création d’une société conjointe de logistique entre l’Ouzbékistan et l’Afghanistan. Baptisée Sogdiana Trans, cette structure est appelée à jouer un rôle majeur dans les transports transfrontaliers, reliant les marchés afghans aux réseaux ferroviaires ouzbeks, puis aux grandes routes commerciales de l’Eurasie. En s’appuyant sur un modèle de partenariat public-privé, ce nouvel acteur entend renforcer la connectivité régionale et redéfinir les équilibres logistiques au sein de l’Asie centrale.

La coentreprise Sogdiana Trans associe la société ouzbèke du même nom, filiale des Chemins de fer de l’Ouzbékistan, et l’entreprise afghane Khan Daqiq Trading. L’objectif est clair : créer une passerelle logistique fiable entre Kaboul et Mazar-i-Charif, pour ensuite connecter l’Afghanistan aux réseaux ferroviaires de l’Ouzbékistan. Les marchandises seront transportées par camion sur l’axe Kaboul–Mazar-i-Charif, avant d’être réacheminées en train vers Tachkent, puis au-delà, vers la Russie, le Kazakhstan, la Biélorussie et les pays baltes. L’entreprise vise une capacité annuelle de 150,000 tonnes, un volume qui illustre la volonté d’intégrer l’Afghanistan dans les grandes chaînes logistiques régionales. Cette capacité reste modeste face aux projets de corridors ferroviaires plus ambitieux, mais elle marque un jalon décisif.

L’Ouzbékistan en chef de file de la connectivité eurasiatique

Depuis plusieurs années, Tachkent investit massivement dans la logistique pour réduire sa dépendance aux ports russes et iraniens. Avec la création de Sogdiana Trans, l’Ouzbékistan confirme sa stratégie : devenir un pivot régional capable de canaliser les flux venant du sud vers le nord. La participation des Chemins de fer de l’Ouzbékistan à travers sa filiale Sogdiana Trans souligne l’importance accordée à ce projet par les autorités.

Ce positionnement s’articule également avec des initiatives de plus grande ampleur, notamment la future ligne ferroviaire transafghane. Le 18 juillet 2025, les ministères des transports d’Ouzbékistan, d’Afghanistan et du Pakistan ont signé un accord pour accélérer les études de faisabilité du tracé Tirmiz–Naibabad–Maidanshahr–Logar–Kharlachi. Ce corridor vise à relier l’Asie centrale aux ports pakistanais de Gwadar et Karachi. Son potentiel est estimé à 20 millions de tonnes de fret par an. En comparaison, la capacité deSogdiana Trans apparaît limitée, mais elle sert de marchepied logistique en attendant la réalisation de l’infrastructure ferroviaire.

En renforçant la logistique terrestre, Tachkent confirme son rôle moteur. Pour l’Ouzbékistan, enclavé et dépendant de ses voisins pour l’accès maritime, chaque nouveau débouché constitue un atout stratégique. Cette stratégie se double d’une volonté de sécuriser des corridors alternatifs face aux incertitudes géopolitiques, notamment sur les routes russes.

L’Afghanistan, trait d’union entre l’Asie centrale et le Sud

Pour Kaboul, ce partenariat logistique revêt une importance tout aussi capitale. L’Afghanistan, longtemps perçu comme un obstacle aux échanges, cherche à se transformer en maillon incontournable. L’entreprise conjointe permettra aux produits d’entrer en Afghanistan et d’en sortir plus facilement, réduisant la dépendance vis-à-vis de corridors instables. En mettant à profit le réseau routier existant, l’accord ouvre une perspective de stabilisation économique.

Le projet ne se limite pas à l’axe Kaboul–Mazar-i-Charif. Depuis cette ville, les flux pourront rejoindre la dorsale ferroviaire reliant l’Asie centrale à la Russie, au Kazakhstan et à l’Europe de l’Est. L’Afghanistan devient ainsi un trait d’union entre le sud et le nord, à condition que la sécurité des transports soit assurée. La perspective d’un flux régulier de 150 000 tonnes par an est modeste, mais elle donne à Kaboul une crédibilité nouvelle dans le domaine de la logistique.

Cette stratégie s’inscrit dans une dynamique régionale. L’Afghanistan a tout intérêt à s’intégrer dans le projet de ligne transafghane. Même si celui-ci est encore loin de sa réalisation, l’existence de Sogdiana Trans fournit une première preuve de faisabilité logistique. La coentreprise sert à tester la coopération opérationnelle et à bâtir la confiance entre acteurs économiques des deux pays.

Par Rodion Zolkin
Le 09/27/2025

Newsletter

Pour rester informé des actualités de l’Asie centrale