Le Kazakhstan envisage d’ouvrir ses centrales à charbon aux capitaux chinois, misant sur de nouveaux mécanismes de financement pour relancer un secteur clé de son mix énergétique tout en modernisant ses infrastructures vieillissantes.
Un financement chinois en préparation pour les centrales à charbon kazakhstanaises
Le 19 septembre 2025, le vice-premier ministre du Kazakhstan, Kanat Bozumbaev, a révélé que des entreprises chinoises pourraient bientôt investir dans la construction et la modernisation des centrales à charbon du pays. Selon lui, le gouvernement s’apprête à désigner un institut chargé d’organiser le financement de ces projets énergétiques, avec la possibilité de mobiliser à la fois des ressources venues de Chine et des capitaux kazakhstanais. Cette annonce est importante dans la mesure où le Kazakhstan cherche à diversifier ses sources de financement, alors que de nombreux bailleurs occidentaux se détournent du charbon.
Kanat Bozumbaev a précisé que, bien que des restrictions existent pour les financements à l’exportation provenant d’entreprises publiques chinoises, plusieurs sociétés privées chinoises disposent de solides capacités financières et opèrent déjà dans de nombreux pays via des contrats EPC (Engineering, Procurement, Construction) ou comme équipementiers. Cela ouvre, selon lui, la voie à une participation directe de ces acteurs dans le secteur kazakhstanais des centrales à charbon. Le pays ambitionne de mettre en place des mécanismes incitatifs via ses institutions de développement, en particulier pour des projets intégrant des technologies dites de « charbon propre ».
Ces nouvelles perspectives d’investissement chinois s’inscrivent dans le cadre d’un programme présidentiel plus large de réindustrialisation, où l’énergie occupe un rôle central. Le président kazakhstanais avait en effet ordonné de relancer le parc thermique en misant sur des unités plus performantes et moins émettrices, tout en sécurisant un approvisionnement stable en électricité pour soutenir la croissance industrielle. Les autorités assurent que les futures centrales à charbon devront respecter des normes environnementales plus strictes, afin de réduire les émissions de particules et de dioxyde de soufre.
Le charbon tient un rôle central dans le système énergétique du Kazakhstan
Le pari d’Astana de relancer ses centrales à charbon s’explique par le poids considérable de cette ressource dans le mix énergétique national. Le Kazakhstan possède d’importantes réserves de charbon estimées à environ 25,6 milliards de tonnes, ce qui représente plus de deux siècles de production au rythme actuel. Cette abondance locale rend le charbon particulièrement attractif d’un point de vue économique, car elle garantit un coût de production compétitif et une sécurité d’approvisionnement pour le réseau électrique national.
Aujourd’hui, près de 70% de l’électricité du pays provient des centrales thermiques, dont la grande majorité fonctionne au charbon. Le territoire compte 39 centrales de ce type, dont certaines comptent parmi les plus puissantes de la région. La centrale d’Ékibastouz-1, par exemple, dispose d’une puissance installée de 4.000 MW répartie sur huit unités, faisant d’elle l’un des piliers de l’approvisionnement national. Les bassins houillers d’Ékibastouz, de Karaganda et de Maykuben constituent les principaux centres d’extraction, assurant un approvisionnement constant aux centrales à charbon du pays.
Cependant, cette dépendance structurelle au charbon soulève des inquiétudes environnementales. Les anciennes unités, souvent obsolètes, émettent d’importantes quantités de polluants atmosphériques, tandis que les infrastructures de dépollution restent limitées. Pour répondre à ces critiques, les autorités kazakhstanaises promeuvent désormais l’idée de centrales intégrant des technologies de filtration avancées et une combustion plus efficace. Les nouveaux projets de centrales à charbon prévoient l’usage de filtres à particules de dernière génération et de systèmes de captage des gaz, avec pour objectif de réduire les émissions nocives tout en prolongeant la durée de vie des installations.
Des projets concrets déjà lancés avec des entreprises chinoises
Plusieurs projets illustrent déjà cette nouvelle orientation. À Kokchetau, un projet de centrale thermique clé en main est en cours de réalisation en partenariat avec des entreprises chinoises, pour un montant total d’environ 356 milliards de tenges (environ 655 millions de dollars). Ces partenaires prennent en charge la conception, la fourniture d’équipements, la construction et la mise en service, ce qui montre la volonté d’Astana de s’appuyer sur des compétences étrangères pour accélérer la mise en œuvre.
Des projets similaires sont également prévus à Semey et à Oust-Kamenogorsk, deux villes industrielles confrontées à un déficit chronique de production électrique. Ces chantiers devraient à terme compenser le vieillissement du parc thermique, dont la plupart des unités ont été mises en service à l’époque soviétique et affichent aujourd’hui un rendement faible et des taux d’incidents croissants. Le recours au savoir-faire chinois est perçu par le gouvernement comme un levier pour réduire les coûts, moderniser les équipements et garantir une production plus stable.
Cette stratégie s’explique aussi par la raréfaction des financements internationaux disponibles pour des projets liés au charbon classique. La plupart des banques occidentales ont cessé de soutenir ce type d’infrastructures, ce qui oblige le Kazakhstan à se tourner vers des partenaires alternatifs. Le gouvernement envisage même de modifier les conditions d’investissement pour attirer de nouveaux acteurs asiatiques, en leur offrant des garanties sur les tarifs d’achat de l’électricité et sur les contrats de long terme. Ces mesures visent à rassurer les investisseurs chinois sur la rentabilité de leurs engagements, dans un contexte de transition énergétique mondiale qui rend le charbon de plus en plus controversé.