Le Kirghizstan ne fait plus de compromis. Une réforme linguistique d’une ampleur inédite vient bousculer le paysage administratif, médiatique et politique du pays.
Le kirghize, désormais langue de référence dans l’administration
11 août 2025, le président du Kirghizstan a signé une loi renforçant drastiquement les obligations liées à l’usage du kirghize, langue d’État du pays. Voté par le parlement le 25 juin 2025, ce texte vise une application stricte de l’article constitutionnel relatif à la langue officielle. Le kirghize, longtemps cantonné à un rôle symbolique, devient désormais central dans la vie institutionnelle et publique.
L’usage du kirghize devient obligatoire pour tous les documents officiels, les communications des institutions publiques, les cartes, la signalétique, ainsi que la publicité institutionnelle et commerciale. Les secteurs régaliens sont directement impactés : forces de sécurité, services de renseignement, notariats, banques et tribunaux doivent fonctionner en kirghize, sans exception.
Le secteur médiatique est également contraint à se conformer à la nouvelle réglementation : 60% des programmes télévisés et radiodiffusés doivent être en kirghize. Les publicités, qu’elles soient visuelles, audio ou textuelles, devront désormais être conformes aux standards linguistiques fixés par la loi. Une nouvelle commission est chargée de contrôler la conformité linguistique des contenus.
Recrutements publics, justice, immigration : la langue au cœur des critères
La loi s’applique désormais aux recrutements dans la fonction publique. Tous les députés, ministres, juges, procureurs, enquêteurs, agents de la Banque nationale, avocats et notaires doivent prouver leur maîtrise du kirghize pour occuper leurs fonctions.
Les procédures électorales elles-mêmes devront être menées en kirghize. Plus encore, les candidats à la résidence permanente ou à un permis de séjour au Kirghizstan devront désormais prouver leur capacité à s’exprimer et à comprendre cette langue.
Pour garantir l’application effective de cette réforme, le gouvernement a instauré un système d’amendes graduées. Les contrevenants s’exposent à une sanction de 5.000 soms (environ 53 euros), tandis que les professionnels risquent jusqu’à 17.000 soms (près de 182 euros). Le contrôle de la mise en œuvre est confié à la Commission nationale sur la langue d’État, qui dispose de moyens renforcés pour surveiller les institutions publiques et privées.
Une réforme saluée… mais critiquée
Si une large partie de la population soutient la réforme comme un acte de souveraineté linguistique, des voix critiques s’élèvent. Des experts s’inquiètent d’une mise à l’écart des minorités russophones, notamment dans les secteurs techniques comme la médecine ou la justice, où le vocabulaire spécialisé en kirghize reste encore peu maîtrisé.
L’État kirghiz ne se contente plus de promouvoir sa langue : il l’impose, dans les faits comme dans les textes. La réforme linguistique de 2025 marque une rupture claire avec une époque où le russe cohabitait en toute légitimité avec le kirghize dans la vie publique. Si cette politique linguistique renforce l’identité nationale, elle oblige désormais chaque citoyen, chaque institution, à maîtriser la langue officielle pour exister juridiquement et administrativement.