Le Tadjikistan double les aides à l’entrepreneuriat féminin
l’entrepreneuriat féminin

Le gouvernement du Tadjikistan a publié une décision officialisant un triplement du budget consacré à l’entrepreneuriat féminin. Ce plan prévoit l’allocation de 15 millions de somonis chaque année jusqu’en 2030, soit environ 1,27 million d’euros. Derrière cette initiative, présentée comme une réponse structurelle aux inégalités économiques, se dessine une série de dispositifs ciblés. Mais à l’heure où la parité est plus que jamais brandie comme un slogan politique, que valent réellement ces aides sur le terrain ?

Une hausse spectaculaire, mais tardive, des fonds pour l’entrepreneuriat

Annoncée le 29 juillet 2025, la mesure consiste à tripler les subventions destinées aux femmes entrepreneures, passant de 5 à 15 millions de somonis par an jusqu’en 2030. Ce fonds permettra la distribution de 200 subventions annuelles, déclinées en huit montants progressifs allant de 40.000 à 110.000 somonis (entre 3.400 et 9.300 euros). Cette augmentation est présentée comme une suite logique d’un programme présidentiel entamé en 2006, dont la première édition avait timidement alloué 150.000 somonis. Aujourd’hui, la progression quantitative est indéniable. Mais suffit-elle à compenser les lacunes structurelles du pays en matière d’égalité économique ?

Un entrepreneuriat encadré, fléché et orienté sur la résilience climatique

Derrière les chiffres, le programme présente une architecture rigide : les 200 subventions seront distribuées selon un barème précis, limitant fortement la liberté des porteurs de projets. Le Comité des femmes et de la famille, placé sous l’autorité directe du gouvernement, est chargé de la mise en œuvre. Le ministère des Finances, lui, assure le versement des sommes via le budget national.

Autre détail qui attire l’attention : 10% des subventions sont spécifiquement réservées à des projets en lien avec le climat. Si l’intention est louable sur le papier, elle interroge sur la réelle marge de manœuvre laissée aux femmes entrepreneures, souvent cantonnées à des activités artisanales traditionnelles. L’objectif affiché reste inchangé depuis près de vingt ans : « la création d’emplois pour les femmes et les jeunes filles, développement de la production artisanale, surtout dans les ateliers de couture », peut-on lire dans le décret.

Des obligations d’emploi aux contours flous

Les obligations d’emploi ou d’engagement social des projets financés restent, pour l’heure, très peu détaillées. Le décret 52175 censé encadrer cette initiative n’est pas accessible, ni via le site de la présidence, ni dans les communiqués officiels consultés. En l’absence de transparence, difficile d’évaluer la portée réelle de ces engagements.

Toutefois, les documents stratégiques existants, comme le décret gouvernemental nº 5 de janvier 2021 et la stratégie 2021‑2030, exigent des bénéficiaires qu’ils créent des emplois, facilitent la réinsertion économique et s’impliquent dans les circuits de production locaux. Les projets soutenus doivent également favoriser la participation des femmes à la vie économique dans les zones rurales, notamment dans les domaines de l’agriculture, de l’élevage et des services. Cette obligation implicite de « rentabilité sociale » mérite d’être questionnée : s’agit-il d’un vrai levier d’inclusion ou d’un contrôle bureaucratique déguisé sous couvert d’égalité ?

L’artisanat comme horizon unique : un enfermement déguisé ?

L’insistance des autorités sur les secteurs du textile, de la couture et de l’artisanat soulève une autre critique. Pourquoi borner l’entrepreneuriat féminin à ces domaines traditionnels ? Ces activités sont certes légitimes, mais laissent peu de place à l’innovation technologique, à l’agro-industrie ou à la transformation numérique. Ce ciblage sectoriel renforce-t-il une image folklorique de la femme entrepreneure, cantonnée aux marchés locaux, et exclue de l’économie structurée et exportatrice ? Là où d’autres pays développent des incubateurs mixtes, le Tadjikistan semble préférer l’encadrement par quotas, catégories et orientations figées.

Exemple d’application : les subventions climatiques, entre vitrine et flou

Prenons un cas concret : sur 200 subventions, 20 seront réservées à des projets dits climatiques. Or, aucune définition opérationnelle de ce que recouvre ce terme n’est donnée. S’agit-il de recyclage textile ? De réduction d’émissions dans les process de production ? De gestion écologique des déchets artisanaux ? L’opacité est telle qu’on peine à croire à une stratégie climatique cohérente. L’impression d’un habillage écologique opportuniste prévaut, servant surtout à aligner le programme sur les standards internationaux en matière de développement durable.

Illustration www.freepik.com.

Par Païsiy Ukhanov
Le 07/29/2025

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