Plus de 3 millions de personnes ont trouvé ou retrouvé un emploi au cours du premier semestre 2025 en Ouzbékistan, a annoncé le président de ce pays. Cette déclaration spectaculaire s’inscrit dans un contexte de réformes structurelles ambitieuses menées par le gouvernement pour revitaliser un marché du travail longtemps resté figé dans des logiques administratives.
Agences publiques : quand le contrôle cède la place au service
Le changement est d’ampleur. En Ouzbékistan, le service public de l’emploi, historiquement cantonné à des fonctions de contrôle et de sanction, est en train d’être démantelé pour renaître sous une nouvelle forme : des agences partenaires, tournées vers les besoins des employeurs. « Toutes les exigences précédentes et obligations relatives au placement obligatoire des candidats envoyés par le ministère sont supprimées. Désormais, les centres d’aide à l’emploi agiront comme des recruteurs professionnels », a précisé le ministre de l’Emploi, Botir Zakhidov.
L’objectif ? Supprimer les amendes pour non-déclaration de postes vacants, abolir les sanctions imposées aux entreprises refusant des candidats et mettre en place une plateforme électronique de mise en relation. Ce virage conceptuel, testé d’abord à Tachkent, s’étendra progressivement à tout le pays. L’ambition : rétablir une statistique fiable du marché de l’emploi et offrir aux demandeurs une orientation plus ciblée.
Emploi et pauvreté : le couple inséparable en Ouzbékistan
Le cœur du discours gouvernemental bat à l’unisson avec les indicateurs de pauvreté. En parallèle des 3 millions d’individus insérés dans une activité génératrice de revenu, le taux de pauvreté est officiellement descendu à 6,8% au 1er juillet 2025. Ce chiffre est présenté comme la preuve éclatante de l’efficacité des réformes, notamment de l’implication du système bancaire dans les quartiers (mahallas). Le président Shavkat Mirziyoyev a d’ailleurs insisté : « Les résultats du premier semestre montrent que les fonds investis et les mesures adoptées portent leurs fruits ».
Mais tout ne relève pas de l’alchimie des chiffres. La réalité du marché du travail ouzbek demeure profondément contrastée. Les TPE (très petites entreprises) dénoncent encore des lourdeurs administratives, et la sous-utilisation des outils numériques rend les processus d’embauche inefficaces. Résultat : de nombreuses offres ne sont ni déclarées, ni visibles, ni pourvues.
Former autrement, ou former pour rien ?
Il serait vain de parler de redynamisation de l’emploi sans évoquer l’autre chantier phare du gouvernement : la formation professionnelle. Le constat est sévère : les filières actuelles ne répondent pas aux besoins du marché, ce qui nourrit un chômage structurel déguisé. En réponse, les autorités ont lancé un plan de modernisation radical, comme l’explique le site officiel du président :
– adoption d’une formation en trois niveaux avec des spécialisations par secteurs ;
– création de 7 000 vidéos de cours en ligne gratuits en langue ouzbèke ;
– mise en place de chèques de formation pour permettre aux actifs de se reconvertir ;
– intégration du secteur privé dans les centres de compétences régionaux.
L’enjeu est clair : passer d’un enseignement théorique hors-sol à une logique de formation-emploi ciblée, notamment dans les domaines où les profils manquent cruellement.
Une révolution annoncée, mais encore virtuelle
Derrière les intentions affichées, la machine ouzbèke reste à roder. Car tout cela ne suffit pas à masquer un problème structurel de confiance entre les acteurs économiques et les institutions publiques. Si les sanctions disparaissent, rien ne garantit que les employeurs adopteront massivement les nouveaux outils. La plateforme numérique censée devenir le pivot du marché du travail n’est, pour l’instant, qu’en phase de test à Tachkent.
Et pendant ce temps, les défis restent titanesques : comment intégrer dans un même système le vendeur de rue de Boukhara et l’ingénieur informatique de Fergana ? Comment garantir que les fonds bancaires dirigés vers les quartiers ne servent pas uniquement à financer des emplois précaires ou fictifs ?
L’insertion professionnelle en Ouzbékistan, un pari à 3 millions d’euros
En Ouzbékistan, le mot « emploi » est devenu un levier de réforme sociale et politique. L’État veut convaincre, moderniser, accélérer, redistribuer – avec un discours calibré pour séduire autant les bailleurs internationaux que les citoyens. Mais le succès ne se décrète pas. Il s’évalue à l’aune des résultats durables, des parcours individuels réels et d’une transparence institutionnelle encore à conquérir.
Ce qui est certain, c’est que jamais auparavant une telle transformation de la politique de l’emploi n’avait été engagée à une telle échelle dans le pays. Il reste désormais à en mesurer la portée réelle – et à espérer que le chiffre des 3 millions d’emplois ne soit pas qu’un chiffre.