Le 23 juillet 2025, lors d’une réunion tenue à Astana, le Premier ministre du Kazakhstan, Olzhas Bektenov, a officialisé un projet que peu voyaient venir : la création d’une compagnie aérienne nationale dédiée au cargo. En jeu, un objectif assumé par le président Kassym-Jomart Tokaïev : faire du Kazakhstan un hub logistique incontournable. Une ambition à la hauteur d’un pays traversé par les grandes routes du commerce mondial, mais qui restait jusqu’ici un simple couloir de transit.

Le pari du cargo comme levier stratégique

Le fret aérien mondial représente aujourd’hui près de 58 millions de tonnes par an. Le Kazakhstan, malgré son positionnement géographique central, n’en capte qu’une fraction. Environ 15% du trafic mondial traverse pourtant son espace aérien. Jusqu’ici, sans retombée directe. C’est ce déséquilibre que veut corriger le gouvernement en lançant son propre transporteur spécialisé dans le cargo.

La nouvelle compagnie sera, dans un premier temps, dotée de trois avions cargo loués, selon le président du fonds souverain Samruk-Kazyna, Nurlan Zhakupov. « Nous débuterons modestement, avec trois appareils en leasing, mais l’objectif est d’atteindre dix avions à moyen terme », a-t-il déclaré.

Infrastructure, flotte, financement : un chantier colossal

Le Kazakhstan ne se contente pas de lancer une simple compagnie. C’est tout un écosystème qu’il entend structurer autour de cette nouvelle activité. Un plan d’investissement de 2,9 milliards de dollars est prévu pour moderniser les infrastructures aéroportuaires, avec la construction de nouveaux terminaux dans des zones touristiques (Katon-Karagaï, Zaysan, Kendirli) et la rénovation de dix pistes d’atterrissage et dix terminaux.

La flotte nationale, actuellement composée de 138 appareils, devrait être portée à 221 avions d’ici 2030, grâce à l’acquisition de 16 nouveaux avions en 2025, dont six sont déjà livrés. Cette dynamique vise à soutenir non seulement la nouvelle compagnie de cargo, mais aussi le développement plus large de l’aviation civile au Kazakhstan.

Premier vol prévu début 2026 : le compte à rebours est lancé

Le calendrier est serré. Le gouvernement vise un décollage opérationnel dès le premier trimestre 2026. « Nous devons aller vite. Le Président Tokaïev nous a donné une feuille de route claire : devenir un hub logistique régional de premier plan », a insisté le Premier ministre Olzhas Bektenov.

Pour assurer la viabilité de la compagnie, l’État prévoit un approvisionnement garanti en carburant, un geste stratégique qui doit permettre d’éviter les fluctuations de prix et d’attirer les partenaires logistiques internationaux. Il s’agit également de s’aligner sur les standards des grands acteurs mondiaux du fret aérien.

Une offensive silencieuse mais bien calculée

Ce projet ne fait pas les gros titres à l’international, et pourtant, les signaux sont clairs. En s’armant pour le cargo, le Kazakhstan ne cherche pas seulement à occuper le ciel. Il entend capter une partie de la valeur ajoutée du commerce mondial. Ses voisins immédiats – Russie, Chine, Ouzbékistan – ne s’y trompent pas. Le pays se positionne en alternative crédible pour les chaînes logistiques en quête de stabilité et de diversification.

À terme, cette compagnie pourrait devenir un outil d’influence stratégique, tout comme Turkish Cargo pour la Turquie ou Qatar Airways Cargo pour Doha. Ce que cherche Astana ? Reprendre la main sur son ciel et, surtout, sur le commerce qui y transite.

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