Le 22 juillet 2025, le gouvernement du Tadjikistan a dévoilé un plan de relance audacieux : augmenter de 20 % par an la production d’aluminium primaire à l’horizon 2028. Une déclaration percutante, certes. Mais quand on connaît l’état actuel de l’industrie métallurgique locale, la promesse relève presque du défi olympique. Entre ambitions stratégiques, inertie structurelle et dépendance chronique à un seul acteur industriel, la trajectoire du secteur de l’aluminium tadjik s’annonce aussi incertaine que spectaculaire.
L’aluminium, toujours roi ? Réveil tardif d’un pilier économique du Tadjikistan
L’aluminium fut jadis l’or gris du Tadjikistan. Dans les années 2000, le pays exportait plus de 400.000 tonnes par an. Puis vint la chute : entre 2007 et 2017, la production s’est effondrée de 420.000 à 103.000 tonnes. La pandémie n’a fait qu’accélérer le déclin, avec une baisse de près de moitié en 2020-2021. Aujourd’hui, le réveil est brutal.
Conscientes de la sitaution, les autorités tadjikes ont donc planifié une augmentation annuelle de la production d’aluminium primaire de 20 % en moyenne. Une croissance qui doit permettre de passer de 108.000 tonnes en 2025 à 188.000 tonnes en 2028. En 2024 déjà, un frémissement avait été observé avec une production de 82.200 tonnes (+23,3% par rapport à 2023).
Mais à quel prix ? Et avec quels moyens ?
TALCO, unique producteur d’aluminium au Tadjikistan, concentré de puissance… et de fragilités
Au cœur de cette ambition se trouve un colosse aux pieds d’aluminium : TALCO (Tajik Aluminium Company). L’entreprise est le seul producteur national et l’unique acteur d’Asie centrale dans ce domaine. Sa capacité théorique est fixée à 517.000 tonnes par an. Sur le papier, tout va bien. En pratique, TALCO n’a pas atteint la moitié de cette capacité depuis près de deux décennies.
Pendant la période soviétique, cette « fierté nationale » absorbait le travail d’un peuple entier. Aujourd’hui, l’État en détient 100% des actions. Mais la transparence sur ses résultats financiers reste floue. En 2024, TALCO a transformé environ 18 900 tonnes d’aluminium, soit une hausse de 22,5% par rapport à 2023. Le chiffre d’affaires total s’élevait à 716,4 millions de somonis (environ 65 millions d’euros).
Et l’export ? En 2024, 71.000 tonnes ont quitté le pays, générant 180 millions de dollars de recettes. Cela ne représente que 9,2% du total des exportations du Tadjikistan. Autant dire que l’aluminium reste une niche — une niche à haute tension.
L’aluminium comme mirage stratégique : entre réalités industrielles et rêves politiques
Pourquoi cet enthousiasme soudain pour l’aluminium ? Parce que le pays a peu de leviers économiques à actionner. Le gouvernement tente de miser sur un secteur historiquement stratégique, dans l’espoir de dynamiser les recettes en devises.
Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes. TALCO est loin de ses années de gloire. En 2007, la production atteignait 420.000 tonnes. En 2017, elle avait chuté à 103 000 tonnes. La relance en 2024-2025 (respectivement 82.200 et 108.000 tonnes) reste timide en comparaison.
S’agit-il d’une reprise conjoncturelle ou d’un vrai tournant structurel ? Le programme prévisionnel 2026-2028, validé par décret gouvernemental, prévoit une croissance de la production de 21,1% en 2026 (131.000 t), 19,9% en 2027 (157.000 t) et 20% en 2028 (188.000 t). De beaux pourcentages. Mais sans investissements massifs, notamment en matière d’infrastructures, ces objectifs pourraient rester de simples slogans.
Industrie métallurgique du Tadjikistan : TALCO seul contre tous
Le tableau global de l’industrie métallurgique tadjike reste préoccupant. Hormis TALCO, le pays ne dispose d’aucun autre producteur d’aluminium. L’absence de concurrence, d’innovation et de diversification industrielle rend le secteur vulnérable aux chocs externes.
TALCO fonctionne avec des installations en grande partie héritées de l’ère soviétique. L’entreprise a besoin d’un plan de modernisation, tant pour accroître ses capacités que pour réduire son empreinte environnementale, point régulièrement critiqué par les ONG locales. Les conditions de travail, les normes environnementales et l’efficacité énergétique restent loin des standards internationaux.
Sans surprise, le Tadjikistan dépend quasi entièrement des importations pour les matières premières transformées (bauxite, alumine) et pour l’énergie nécessaire à l’électrolyse. Une dépendance qui rend le coût de production extrêmement volatil.