Marché des smartphones au Kazakhstan : quand l’importation illégale résiste
Marché des smartphones au Kazakhstan : quand l’importation illégale résiste

Au Kazakhstan, la tentative de légaliser le marché des smartphones a buté sur le mur d’une importation massive d’appareils non conformes. Malgré un cadre réglant l’enregistrement via IMEI, le marché reste largement « gris ».

Lutte contre l’importation clandestine de smartphones : pourquoi le cadre législatif n’a pas suffi

Depuis le 24 mars 2025, les autorités kazakhstanaises ont mis en place une obligation de vérification des smartphones importés — via le code IMEI — afin d’assainir le secteur des téléphones et de réduire le commerce illégal. Toutefois, plusieurs mois après, le bilan reste mitigé pour le marché des smartphones, expliquent les médias kazakhstanais Tengrinews et Kursiv.

La réforme visait à contrôler l’importation des appareils mobiles : les téléphones devaient être classés via leur code IMEI en « liste blanche » (appareils légaux), « liste grise » (statut incertain), ou « liste noire » (IMEI illégal ou contrefait), avec blocage des appareils non conformes. Dès l’entrée en vigueur, les autorités ont mobilisé le portail officiel www.kz-imei.kz pour enregistrer les appareils. À ce jour, 2.758.231 appareils ont été enregistrés dans la base nationale.

Pourtant, le nombre d’IMEI bloqués reste élevé : au 6 novembre 2025, 264.335 IMEI figuraient dans la liste noire. Ce chiffre révèle les failles de l’ensemble du dispositif, quand bien même un smartphone peut avoir plusieurs IMEI, ce qui complique le décompte exact. Par ailleurs, la mise en œuvre matérielle de la vérification s’est heurtée à des obstacles techniques et administratifs : des retards, des refus injustifiés, voire des blocages d’appareils anciens ou acquis avant la réforme. Ces dysfonctionnements ont fragilisé la confiance des consommateurs et incité certains à se tourner vers le marché parallèle plutôt que de risquer un appareil bloqué. Ainsi, bien que la structure légale existe désormais, les conditions pratiques ont limité son efficacité réelle.

Un marché gris toujours florissant

Avant la réforme, le marché parallèle des smartphones avait une ampleur considérable. Par exemple, en 2024, environ 75% des iPhone activés dans le pays — soit environ 900 000 appareils sur 1,2 million — auraient été importés illégalement. Ces importations non déclarées représentaient une perte fiscale massive, estimée à plus de « 100 milliards de tenges » — soit ≈ 200 millions d’euros. Après la mise en place de la vérification, les ventes officielles de smartphones ont tout de même continué : durant l’été 2025, 452.000 appareils ont été vendus légalement, soit seulement 10 % de moins que l’an précédent.

Ce maintien relatif montre que la demande reste forte — et qu’un segment significatif du marché persiste en dehors du cadre légitime. En outre, la gestion de la vérification IMEI a parfois été transformée en une activité lucrative privée : une société identifiée comme l’opérateur de vérification facture les services liés à l’enregistrement et contrôle des IMEI. Enfin, des plaintes d’usagers ayant acheté un smartphone sans IMEI validé se sont multipliées : certains appareils ont été bloqués, d’autres vendus puis remboursés dans le cadre de recours de protection des consommateurs — pour plus de 82 millions de tenges (environ 164.000 euros) dans certains cas.

Ces dynamiques montrent que le marché gris continue de prospérer, en partie grâce aux failles d’application et aux détours exploités par des acteurs privés.

Importation légale de smartphones : la réforme a monté ses limites

Le succès de la réforme reposait sur l’hypothèse d’une adhésion massive des consommateurs et des importateurs au nouveau système. Or, la vérification s’est heurtée à plusieurs obstacles. D’abord, la période initiale de vérification gratuite pour les particuliers était limitée dans le temps. Le gouvernement a dû prolonger cette fenêtre jusqu’au 25 juin 2025 pour permettre aux utilisateurs de s’enregistrer. Malgré cela, une part importante des appareils importés — souvent achetés à bas coût ou via des canaux informels — n’a pas été enregistrée.

Ensuite, l’exclusivité accordée initialement à un unique opérateur pour la vérification IMEI (un quasi-monopole) a alimenté des critiques. Les médias rapportent qu’il existe des projets pour ouvrir ce marché à d’autres entreprises, y compris des acteurs publics, afin de réduire les abus et améliorer la transparence.

Par ailleurs, l’obligation d’enregistrement et le risque de blocage ont provoqué de l’incertitude. Certains consommateurs ont préféré éviter un achat risqué. D’autres, confrontés à des téléphones bloqués, ont dû recourir à des recours de remboursement — ce qui souligne le manque de protection effective dans la chaîne d’importation.
Ainsi, le cadre légal existe, mais le succès attendu — c’est-à-dire la disparition du marché illégal — n’a pas eu lieu.

Par Rodion Zolkin
Le 12/11/2025

Newsletter

Pour rester informé des actualités de l’Asie centrale