Au Tadjikistan, la pénurie d’électricité franchit un nouveau seuil. Depuis fin novembre 2025, les stations de recharge pour véhicules électriques sont privées d’électricité chaque soir pendant quatre heures. Une mesure spectaculaire qui illustre l’ampleur d’une crise énergétique devenue structurelle, dans un pays pourtant riche en barrages hydroélectriques.
Les voitures électriques, victimes collatérales de la politique d’« energolimit »
Le 27 novembre 2025, les autorités énergétiques tadjikes ont officiellement étendu le régime de limitation de l’électricité aux infrastructures de recharge des véhicules électriques. Désormais, les bornes sont mises hors tension tous les soirs entre 18 heures et 22 heures, dans un contexte de pénurie d’électricité lié à la sécheresse, à la pression sur les barrages et à l’état fragile du réseau national.
Depuis fin novembre 2025, l’électricité est donc systématiquement coupée dans les stations de recharge pour véhicules électriques entre 18 heures et 22 heures. Or, ce créneau correspond précisément au pic de consommation de l’électricité, lorsque les ménages rentrent chez eux, que les entreprises terminent leur journée et que la demande énergétique explose. Toutefois, malgré les protestations d’usagers, les autorités n’ont prévu aucune dérogation pour les infrastructures électriques liées à la mobilité.
Dans le même temps, l’électricité est également coupée automatiquement dans les foyers dont la puissance instantanée dépasse 4 kW. Ce dépassement entraîne une interruption de trente minutes. Par ailleurs, ce mécanisme concerne les ménages hors Douchanbé, mais aussi les entreprises publiques et l’éclairage urbain. En effet, l’électricité fait désormais l’objet d’un rationnement automatisé, ce qui laisse peu de marge d’adaptation aux usagers. Ainsi, les propriétaires de véhicules électriques subissent une double contrainte : l’impossibilité de recharger le soir et l’instabilité générale de l’électricité domestique.
Pourquoi l’électricité manque au Tadjikistan malgré le boom des véhicules électriques
À l’origine de la crise, un facteur domine : la chute du niveau des réservoirs hydrauliques. Le Tadjikistan produit environ 70% de son électricité grâce au barrage de Nurek. Or, à la fin de l’automne, le niveau du réservoir accusait un déficit compris entre 3 et 3,5 mètres par rapport à l’an dernier. Ainsi, en raison de la sécheresse prolongée et d’un automne particulièrement sec, la production d’électricité a chuté brutalement. Toutefois, malgré les avertissements saisonniers, aucune capacité thermique de secours suffisante n’a été activée.
Par conséquent, l’électricité est devenue une ressource rationnée à l’échelle nationale. Près de 20% du produit intérieur brut est directement affecté par les restrictions d’électricité. En effet, les secteurs industriels, les services publics et les entreprises d’État sont tous concernés. De plus, malgré le développement récent du parc de véhicules électriques, le réseau n’a pas été modernisé à un rythme compatible avec cette transition. Ainsi, l’essor des usages électriques, au lieu de soulager la dépendance aux carburants, accentue la pression sur une électricité devenue structurellement insuffisante.
L’électricité sous tension face à la montée des usages électriques
La crise actuelle révèle aussi les failles profondes du système énergétique. En 2024, les pertes sur le réseau électrique tadjik atteignaient 4,5 milliards de kilowattheures, soit près de 20% de la production nationale d’électricité. Ainsi, avant même d’être consommée, une part massive de l’électricité se perd dans un réseau vieillissant. Toutefois, malgré ce diagnostic largement documenté, les investissements restent fragmentés et insuffisants. En effet, les rénovations de lignes, les compteurs intelligents et les capacités de stockage avancent trop lentement.
Dans ce contexte, la diffusion rapide des véhicules électriques agit comme un accélérateur de tensions. D’un côté, l’État encourage les motorisations propres afin de réduire la dépendance au carburant importé. Mais, de l’autre, l’électricité destinée aux recharges devient la variable d’ajustement lors des pénuries. Ainsi, les infrastructures électriques, conçues initialement pour un usage domestique classique, sont désormais sollicitées par de nouveaux usages énergivores. Toutefois, en l’absence de stockage massif ou de production additionnelle, l’électricité disponible est redistribuée par des coupures plutôt que par une optimisation technologique.
